Page:Revue des Romans (1839).djvu/572

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et d’honneur, d’un homme aimable et bon, du jeune avocat Duverdier, ami du travail et du plaisir, composant le matin des mémoires et le soir des chansons, dirigeant fort bien les affaires d’autrui, et conduisant assez mal les siennes, faisant par raison la cour aux procureurs qui peuvent lui envoyer des causes, et cédant à son instinct qui le pousse à leur dire de dures vérités ; enfin, après une longue vie, laissant pour toute fortune à ses enfants une bonne éducation, un nom honorable, une bicoque à la campagne, et dix cartons pleins de vers de société. Le caractère le plus saillant est sans contredit celui de Guillaume Delorme, qui joue un rôle très-actif et très-brillant dans la première partie du roman. Dès le collége, il attire sur lui les yeux par son amitié généreuse et sa noble fierté ; bientôt on le voit, par des motifs délicats, repousser un état que ses parents veulent lui donner, parce qu’il désespère d’y concilier les lois de la nature et celles du devoir. Amoureux, sans espoir, de la charmante Laure, il refuse un mariage avantageux pour lui conserver un cœur qu’il n’ose lui offrir ; et quand Eugène est à la veille d’épouser cette noble et belle personne, que pourtant il n’épouse pas, Guillaume, qui ne veut pas troubler le bonheur de son ami, et qui ne peut pas en être témoin, a le courage de s’expatrier pour chercher, dans l’absence et l’éloignement, un remède aux maux de son âme. En Amérique, il se dépouille d’une grande fortune qu’un ami lui a laissée, pour la rendre à des parents déshérités, et il croit à peine faire une chose louable. Revenu en France, il presse Guillaume d’épouser Laure, et il n’accepte la main qui s’offre à lui que lorsque Eugène n’y peut plus prétendre. — Dans tout l’ouvrage, l’observation est profonde sans affectation : elle y est d’autant plus piquante, qu’elle ne se présente jamais sous la forme dogmatique, et que presque toujours elle a celle d’une remarque naïve, ou d’un aveu échappé à la bonne foi de l’historien.

MÉMOIRES DE JACQUES FAUVEL, publiés par MM. J. Droz et L.-B. Picard, 4 vol. in-12, 1822. — Dans cette production remarquable, fruit de la réunion du talent aimable et de l’imagination gracieuse de deux écrivains de beaucoup d’esprit, les auteurs ont voulu mettre en action une grande pensée philosophique qu’ils ont développée avec bonheur ; ils ont voulu montrer l’homme bercé par l’insouciance dans la jeunesse, soutenu par la fermeté et la persévérance dans l’âge mûr, et dans la vieillesse par la résignation. Fauvel perd sa mère en naissant ; la mort de son père le livre à l’animosité jalouse d’une belle-mère. Dépouillé de tout par un tuteur avare, mis au collége d’où il s’enfuit, devenu compagnon d’un charlatan et obligé de s’enfuir encore ; errant, malade à l’hôpital, artisan, auteur, soldat, homme de plaisir, secrétaire d’un magistrat,