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IS-ṬU-BAR — GILGAMÈS

Aruru, celle qui créa Eabani, « celle qui sait tout, » — pasteur incontesté d’Uruk, d’ailleurs vigoureux, brillant, sage, tel enfin que nous le représentent les monuments figurés : un type de beauté antique, aux muscles saillants, avec une longue chevelure torse et une barbe soigneusement calamistrée, la tête ceinte de la tiare des prêtres, étreignant de son bras gauche contre sa poitrine un lion ; il profite de tous ces avantages pour opérer de faciles conquêtes. Il fait ravage dans les familles… Aussi les habitants d’Uruk sont-ils dans le plus complet désarroi. Tous, pères, mères, époux, ils supplient ardemment le dieu Anu de délivrer leurs fils, leurs filles, leurs femmes, de tourner ailleurs les pensées du héros, de lui donner quelque grand coup à férir[1].

Le dieu Anu ne resta point sourd à leurs prières. Aussitôt il manda Aruru, la grande déesse, et lui ordonna de procurer à Gilgamès un compagnon, afin qu’il pût entrer en lutte avec lui et se rendre illustre parmi les hommes. Aruru conçut d’abord le modèle du serviteur d’Anu, ensuite, ayant lavé ses mains, elle pétrit de l’argile, l’étendit sur le sol et la façonna. Ainsi fut créé Eabani, le héros illustre, attaché à la personne du dieu Ninib[2].

Il était d’aspect étrange Eabani et de mœurs singulières. Tout son corps était velu ; il portait, à la manière des femmes, la chevelure longue, et retombant sur ses épaules en flots onduleux, comme celle de Nirba, le dieu des moissons ; il était vêtu à la façon de Ner, le dieu des champs. Il broutait l’herbe en compagnie des gazelles, allait à l’abreuvoir de pair

  1. Tab. II. Col. II, I. 15-28.
  2. Tab. II. Col. II, l. 29-35.