Page:Revue des religions, Vol 1, 1892.djvu/314

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risquée, n’en est pas moins piquante du naïf Eabani en face de Samhatu, savante, elle, aux choses d’amour. L’issue ne pouvait être douteuse. La courtisane, comme bien on le pense, n’eut pas de peine à capter ce rustique. Eabani donna lourdement dans le piège avec cette sottise aveugle des fauves…[1].

Après six jours et sept nuits, quand le charme fut rompu, Eabani revenu à lui-même se ressouvint de son troupeau. Il s’aperçut alors, que les gazelles s’étaient enfuies, que ses bêtes l’avaient quitté. À cette vue, il tomba dans un abattement profond. Tout d’abord, il demeura interdit, bouche béante, comme ahuri par son malheur. Puis il alla s’asseoir aux pieds de Harimtu…[2].

Harimtu, fixant ses yeux dans ses yeux, lui prodigua des consolations. Elle se mit en devoir de le raisonner. Voyons ! pourquoi se lamenter ainsi ? Lui, si beau et semblable à un dieu, n’était point fait pour vivre avec les bêtes. Ne valait-il pas mieux pour lui, venir à Uruk, dans la brillante demeure, dans le sanctuaire d’Anu et d’Istar, là où réside Gilgamès, le héros accompli, fort comme un buffle, dominateur des peuples[3].

Eabani, à mesure qu’il écoutait, se sentait amolli par cette parole de femme. Peu à peu, croissait silencieusement en son cœur le désir d’une amitié tendre. Enfin il est gagné ; sa résolution est prise. Allons ! qu’on appelle Samhatu ; tous ensemble ils iront à Uruk, à la rencontre de Gilgamès. Il veut voir par lui-même, se porter juge de la haute valeur de ce héros dont on dit merveilles[4].

  1. Tab. II. Col. IV, I. 8-20.
  2. Tab. II. Col. IV, l. 21-30.
  3. Tab. II. Col. IV, l. 31-39.
  4. Tab. II. Col. IV, l. 40-47.