Page:Revue des religions, Vol 1, 1892.djvu/432

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toutes ses ressources de séduction. Elle se servit, pour gagner le héros, des moyens dont lui, Gilgamès, avait usé pour surprendre Eabani. Elle aussi, maintes fois, avait éprouvé le pouvoir, sur des âmes simples, de ce qui luit, de ce qui brille, de tout ce qui tire l’œil, cuivre ou or. C’est pourquoi, elle fit miroiter complaisamment aux regards du héros, les trésors qu’elle lui réservait en retour de ses faveurs : « Tout ce que tu désireras, Gilgamès, je te le donnerai. Tu feras, veux-tu, ton entrée triomphale dans Uruk, sur un char resplendissant d’or et de pierres précieuses, — le timon en est d’or et les cornes de diamant, — attelé de grands mulets tout blancs. Je t’introduirai dans notre sanctuaire, au milieu d’un nuage d’encens. A peine installé dans cette nouvelle demeure, tu recevras les hommages que l’on ne rend qu’aux dieux. Les peuples riverains de l’Euphrate viendront baiser tes pieds ; devant toi, se prosterneront les rois, les seigneurs et les grands. Comme gage de leur soumission, tous, ils t’apporteront en tribut les produits de la montagne et de la plaine. Je mettrai, moi, ta prospérité à son comble, en faisant produire à tes brebis des jumeaux. Voyons, Gilgamès, que veux-tu ? Tiens, tu conduiras de grands bœufs, à la fois fiers et dociles, incomparables dans la course aux chars, incomparable sous le joug [1] !

Gilgamès n’avait plus l’âme assez neuve pour se laisser tenter, à la façon du rustique Eabani, par un riche étalage de promesses. Aussi, tous les beaux discours de la déesse ne suffirent-ils pas à l’enjôler. Du premier coup, sans plus réfléchir, il repoussa dédaigneusement

  1. Tab. VI, l. 10-21.