Page:Revue des religions, Vol 1, 1892.djvu/435

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fini de parler, frémissante de rage, elle remonta vers les cieux et vint s’épancher dans le sein de son père Anu et de sa mère Antu : « Mon père, Gilgamès m’a outragée ! Ne s’est-il pas avisé, l’impertinent, de me reprocher mes trahisons, oui, mes trahisons et mes méfaits ! » Le dieu essaya d’abord de la raisonner : « Voyons, à qui en est la faute ? Sans doute tu l’as provoqué toi-même, pour que Gilgamès se soit montré si osé... » Mais la déesse, dans sa fureur, ne voulait rien entendre. Elle poursuivait son idée avec acharnement : « Allons, mon père, crée le taureau divin. » Elle disait cela d’un ton pressant, presque impérieux. Le dieu résistait encore : « Que me demandes-tu là ? Je ne puis... » Cette résistance ne fit qu’exaspérer la déesse. Maintenant, elle ne se possédait plus de colère ; sa voix, tout d’un coup, était devenue menaçante. Elle criait : « Vengeance ! vengeance [1] ! »

Anu était un père faible ; Istar était une fille volontaire. Le père, cette fois encore, dut se plier aux caprices de sa fille. Il créa donc le taureau divin, une sorte de démon, plus redoutable cent fois que Humbaba.

A peine donc Gilgamès et Eabani avaient-ils échappé aux dangers d’une première expédition, qu’il leur fallait tenter une nouvelle aventure, plus périlleuse encore. Mais ce n’était pas pour les déconcerter. Ils se remirent bravement en campagne, sous bonne escorte... La rencontre ne tarda pas à avoir lieu. L’action fut chaude : il n’y eut pas moins de trois assauts consécutifs. A la fin, ce fut une lutte corps à corps entre les deux héros et l’animal divin. L’instant était décisif.

  1. Tab. VI, l. 80-114. Certaines parties du dialogue entre Anu et Istar sont très mutilées : ainsi les l. 95-100, 104-106, 110-114.