Page:Revue des religions, Vol 2, 1892.djvu/227

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surhumains : Gilgamès, le héros puissant, le monstre Eabani, le géant redoutable Humbaba, le taureau divin, les hommes-scorpions, la déesse Sabit, reine de la mer, le pilote Amel-Ea, Samas-napistim et sa femme, un couple immortel, et, derrière ces personnages, les faisant mouvoir par des ressorts cachés, la légion des dieux propices ou hostiles, Anu, Samas, Bel, Ea, Norgal, Istar... On se sent vraiment tout dépaysé, au cours d’incidents aussi extraordinaires, devant ce défilé de figures bizarres ou de surnaturelles apparitions, projetées sur un mobile décor, aux perspectives infinies. On a même quelque peine à s’y reconnaître d’abord ; l’œil, offusqué par la nouveauté des objets, dérouté par de perpétuels changements à vue, ne s’y fait qu’à la longue et par l’effet d’une lente accommodation. A l’issue du spectacle, l’impression très nette est que l’on vient de traverser un monde de féerie.

Ainsi se trouve résolu du premier coup, en ce qui concerne notre poème, le problème critique, parfois si embarrassant, qui s’impose au début de toute étude sur les épopées primitives, touchant la réalité des événements qui en forment la trame. Fiction ou histoire ? Une telle question ici paraîtrait naïve. Au sortir d’une féerie, il n’y a que des enfants pour demander si cela est arrivé. Nul doute que nous ne soyons ici en plein dans le domaine du merveilleux. L’épopée de Gilgamès est une épopée essentiellement mythique.

Mais l’esprit, en ses créations les plus libres, emprunte ses éléments à la réalité, à ses sensations, à ses souvenirs. Une analyse minutieuse et subtile parviendrait, sans doute, à dégager les éléments réels dont se compose cette fantaisie, à démêler les images vécues dont est fait ce rêve. Tout d’abord, nous rencontrons ici et là, engagés dans