Page:Revue des religions, Vol 2, 1892.djvu/332

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Entre ces deux points extrêmes, se déroulent des tableaux variés. Au premier pian, des scènes mouvementées et pleines de vie, empreintes à la fois de grandeur et de familiarité : l’amitié de Gilgamès et d’Eabani, l’expédition contre Humbaba, l’amour et la vengeance d’Istar, la lutte contre le taureau divin et contre les lions. Au second plan, un défilé de paysages, aux contours indécis, sur le fond desquels se détachent en relief des personnages fabuleux : les portes du soleil et les hommes-scorpions, la région de la nuit et les jardins enchantés, l’Océan, la déesse Sabit et le pilote Amel-Ea, les eaux de la mort, l’île lointaine habitée par Samas-napistim, enfin une échappée sur les enfers.

Mais une telle variété n’est-elle pas plus extérieure que profonde ? Ne résulte-t-elle pas de la diversité des événements plutôt que de l’originalité de l’invention ? On serait tout d’abord tenté de le croire, mais, à y regarder de plus près, on s’aperçoit bien vite qu’elle tient au fond même du récit.

Dans cette épopée, en effet, le récit offre un ensemble de qualités, qui, par leur mélange, forment une contexture riche et variée.

Une qualité qui frappe d’abord, est la clarté du récit. L’auteur de ce poème posséda, à un haut degré, le don de vision. Placé en regard des choses extérieures, il les réfléchit en images lumineuses. Toutefois, il ne reproduit point les objets, d’une manière absolument passive, à la façon d’un miroir. Il semble bien qu’il ait eu la conscience nette que l’art est un choix. Aussi s’attache-t-il à rendre les choses, non point dans leur masse confuse et indistincte, mais plutôt dans leurs traits essentiels, avec leurs contours définis. Il use dans le choix des détails d’une discrétion, qui est déjà, chez lui, la marque d’un