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Aux autres étages, les chambres plus sèches, un peu plus éclairées, sont également sales et misérables — C’est là, souvent sans feu, l’hiver, à la clarté d’une chandelle de résine, le soir, que des hommes travaillent quatorze heures par jour pour un salaire de quinze à vingt sous.

Les enfants de cette classe, jusqu’au moment où il a peuvent, moyennant un travail pénible et abrutissant, augmenter de quelques liards la richesse de leurs familles, passent leur vie dans la boue des ruisseaux — pâles, bouffis, étiolés, les yeux rouges et chassieux, rongés par des ophtalmies scrofuleuses, ils font peine à voir ; on les dirait d’une autre nature que les enfants des riches. Entre les hommes des faubourgs et ceux des quartiers riches, la différence n’est pas si grande ; mais il s’est fait une terrible épuration : les fruits les plus vivaces se sont développés, mais beaucoup sont tombés de l’arbre. Après 20 ans, l’on est vigoureux ou l’on est mort. Quoi que nous puissions ajouter sur ce sujet, le détail des dépenses de cette fraction de la société parlera plus haut.

Loyer pour une famille 25 fr.
Blanchissage 12
Combustible 35
Réparation des meubles 3
Déménagement (au moins une fois chaque année) 2
Chaussure 12
Habits 0
Ils se vêtissent de vieux habits qu’on leur donne.
Médecin gratuit
Pharmacien gratuit

« Il faut que 196 fr., complètant les 300 fr. gagnés annuellement par une famille, suffisent à la nourriture de 4 ou 5 personnes, qui doivent consommer, au minimum, en se privant beaucoup, pour 150 fr. de pain. Ainsi il leur reste 46 fr. pour acheter le sel, le beurre, les choux et les pommes de terre : nous ne parlons pas de la viande dont ils ne font pas usage ; si l’on songe maintenant que le cabaret absorbe encore une certaine somme, on comprendra que malgré les quelques livres de pain fournies de temps en temps par la charité, l’existence de ces familles est affreuse. »

Nous venons de montrer par des chiffres à quel excès de misère l’application du lâche et brutal principe de la concurrence a poussé le peuple. Mais tout n’est pas dit encore : la misère engendre d’effroyables conséquences : allons jusqu’au cœur de ce triste sujet.

Malesuada famés, disaient les anciens, la faim mauvaise conseillère. C’est un mot terrible et profond que celui-là ! Mais si le crime naît de