Page:Revue du progrès - 1840 - vol4.djvu/32

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

découverte de la science est une calamité, d’abord parce que les machines suppriment les ouvriers qui ont besoin de travailler pour vivre, ensuite parce qu’elles sont autant d’armes meurtrières fournies à l’industriel qui a le droit et la faculté de les employer contre tous ceux qui n’ont pas cette faculté ou ce droit. Qui dit machine nouvelle, dans le système de concurrence, dit monopole ; nous l’avons démontré. Or, dans le système d’association et de solidarité, plus de brevets d’invention, plus d’exploitation exclusive. L’inventeur serait récompensé par l’état, et sa découverte mise à l’instant même au service de tous. Ainsi, ce qui est aujourd’hui un moyen d’extermination deviendrait l’instrument du progrès universel ; ce qui réduit l’ouvrier à la faim, au désespoir, et le pousse à la révolte, ne servirait plus qu’à rendre sa tâche moins lourde, et à lui procurer assez de loisir pour vivre de la vie de l’intelligence et du cœur ; en un mot, ce qui permet la tyrannie aiderait au triomphe de la fraternité.

Dans l’inconcevable confusion où nous sommes aujourd’hui plongés, le commerce ne dépend pas et no peut pas dépendre de la production. Tout se réduisant pour la production à trouver des consommateurs, que tous les producteurs sont occupés à s’arracher, comment se passer des courtiers et des sous-courtiers, des commerçants et des sous-commerçants ? Le commerce devient ainsi le ver rongeur de la production. Placé entre celui qui travaille et celui qui consomme, le commerce les domine l’un et l’autre, l’un par l’autre. Fourier, qui a si rigoureusement attaqué l’ordre social actuel, et, après lui, M. Victor Considérant, son disciple, ont mis à nu cette grande plaie de la société qu’on appelle le commerce, avec une logique irrésistible. Le commerçant doit être un agent de la production, admis à ses bénéfices et associé à toutes ses chances. Voilà ce que dit la raison et ce qu’exige impérieusement l’utilité de tous. Or, dans le système que nous proposons, rien de plus facile à réaliser. Tout antagonisme cessant entre les divers centres de production, dans une industrie donnée, elle aurait, comme en ont aujourd’hui les maisons de commerce considérables, partout où l’exigent les besoins de la consommation, des magasins et des dépôts.

Que doit être le crédit ? Un moyen de fournir des instruments de travail au travailleur. Aujourd’hui, nous l’avons montré ailleurs[1], le crédit est tout autre chose. Les banques ne prêtent qu’au riche. Voulussent-elles prêter au pauvre, elles ne le pourraient pas sans courir aux abîmes. Les banques constituées au point de vue individuel ne sauraient donc jamais être, quoiqu’on fasse, qu’un procédé admirablement imaginé pour rendre les riches plus riches et les puissants plus puissants. Toujours le monopole sous les dehors de la liberté, toujours la tyrannie

  1. Voir l’article intitulé : Question des banques, dans le numéro de la Revue, du 1er décembre 1839.