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accompagné de fleurs, et imitant, de plus ou moins près, les peintures sépulcrales des païens. Souvent la couche d’enduit et les peintures recouvrirent les fermetures des cases sépulcrales taillées dans les murailles, et de grandes figures peintes se trouvent aujourd’hui coupées en deux ou trois parties par l’enlèvement des opercules des tombes.

On a trouvé dans ces catacombes une grande quantité de sarcophages en marbre, quelquefois d’un beau travail ; et, chose étonnante, les plus beaux et les plus nombreux étaient d’origine païenne et portaient des sujets mythologiques souvent fort licencieux ; et cependant ils renfermaient des restes de chrétiens, comme l’annonçaient les inscriptions.

Plus tard, lorsque les chrétiens des premiers siècles n’empruntèrent plus aux païens leurs sarcophages, ou que ceux-ci devinrent rares, ils en firent d’autres de même forme portant des sujets bibliques ou évangéliques, disposés à l’imitation des premiers.

On s’étonnera moins toutefois de ce que des hommes à peine échappés au paganisme et encore imbus de tous les usages de cette époque, aient commis de telles anomalies religieuses, quand on remarquera que la manie de se faire ensevelir dans des sarcophages païens a reparu plusieurs siècles après chez les chrétiens du Moyen-Age. Dans beaucoup d’églises de Rome, et surtout dans celle d’Ara-Cœli, à Pise, dans le Campo-Santo, on trouve une grande quantité de sarcophages grecs, étrusques, romains, de toutes formes et grandeurs, renfermant les restes de quelques chrétiens de haute lignée. Cet usage s’était aussi répandu en France, en Angleterre, etc. (Raoul-Rochette, tableau des Catacombes.)

Sainte Hélène et le pape Anastase IV eurent successivement pour cercueil un magnilique sarcophage de porphyre, orné de bas-reliefs de travail profane représentant un combat.

Le tombeau de Charlemagne était un sarcophage romain, représentant l’enlèvement de Proserpino. On a quelquefois trouvé les restes de tel saint ou martyr dans le sarcophage de quelque personnage païen dont on n’avait pas effacé l’inscription primitive.

Les catacombes de Naples, presque aussi considérables que celles de Rome, avaient beaucoup d’analogie avec ces dernières.

Cet aperçu rapide sur les catacombes de Home, tout incomplet qu’il est, devait servir de préliminaire au sujet que nous nous proposons de traiter, car ces sépultures constituent la transition qui existe entre les tombeaux païens de l’antiquité et les cimetières chrétiens du Moyen-Age.


Les Cimetières de Paris.


La plus modeste ville de province, le plus obscur village même, fait aujourd’hui des frais pour rendre son cimetière abordable, le clore convenablement, et y rendre la circulation facile. Nous allons paraître bien téméraires, sans doute, si nous trouvons que tout n’est pas pour le mieux dans les cimetières de Paris, dont la célébrité est presque européenne, surtout celle du Père-Lachaise.

Le visiteur superficiel, c’est-à-dire l’immense majorité, en parcourant le dédale de ces nécropoles, ne se préoccupe que de la variété des monuments qui l’entourent et de la recherche des inscriptions, parmi lesquelles il tâche de découvrir quelque nom historique. Quant à la disposition générale, à tout ce qui est du ressort de l’administration, il ne s’en occupe guère ; il ne visite du reste, les cimetières que dans les beaux jours. Les chemins alors sont praticables, et l’on peut voyager le nez en l’air sans courir le risque de s’embourber.

À tout bien considérer, si le visiteur n’est pas venu en ces lieux pour y ressentir de tendres émotions ; s’il n’est venu que pour repaître ses yeux, il s’en retourne assez satisfait, et va prôner dans son pays les magnificences du Père-Lachaise.

Mais la munificence de l’édilité est-elle au niveau de celle de la masse des citoyens dans ces enceintes funèbres ? Il est permis d’en douter. En quel état l’observateur trouve-t-il les allées les sentiers, en un mot toutes les parties qui sont en dehors de la sphère des particuliers ? Allées boueuses et presque impraticables dans la mauvaise saison, perrons en planches pourries retenus par des piquets vermoulus, talus décharnés et hideux à voir : tel est le tableau sommaire que présentent les cimetières de la rive droite dans tout ce qui appartient à l’administration. Nulle part cependant l’édilité, spéculant sur la tendresse et la vanité humaine, ne fait payer aussi cher les quelques mètres de terrain nécessaires à la sépulture d’une famille.

Nous avons calculé que le prix moyen du mètre carré de terrain s’élevait plus haut dans les cimetières que celui des terrains à bâtir dans la partie de la ville circonscrite par les boulevards intérieurs[1].

Les titres des digestes et des codes de Théodose et de Justinien, de sepulchro violato, portent que la violation des tombeaux était punie par l’amende, l’exil, la déportation, l’amputation d’une main, ou enfin la mort. (Chambry, Rapport sur les sépultures, page 35.)

Chez les Romains, si l’on venait à découvrir dans la construction d’une maison quelque fragment de tombeau, cette maison était confisquée Ibid., page 34). Nous ne sommes pas si sévères aujourd’hui, car les égouts, les murs de clôture etc., des cimetières, sont construits avec la dépouille des tombes temporaires[2].

  1. Nous pensons être agréable aux lecteurs de la Revue en donnant, a la fin de cet article, un tableau détaillé des prix des terrains concédés a perpétuité dans les cimetières de Paris. Le prix des terrains à bâtir compris dans l’enceinte des boulevards intérieurs varie de 60 à 700 fr. le mètre carré, dont la moyenne est de 330 fr. Or, dans les cimetières, en prenant pour base moyenne une concession de 4 mètres, nous voyons, d’après le tableau, que le prit du mètre carré retient à 375 fr., quoiqu’il n’ait pas coûté à la ville 3 fr. 50 c ; car la totalité des terrains, qui est d’environ 500 000 mètres carrés, n’a coûté que 1 740 267 fr., y compris la dépense de clôtures, terrassements, plantations, etc., et en admettant qu’il n’y ait que la dixième de la superficie affecté aux concessions, ou autrement, qui soit productif, chaque mètre ne reviendrait encore qu’à 35 fr.
  2. Ne pourrait-on élever, avec les tombes non réclamées, une pyramide au centre de chaque cimetière ? On aurait soin de placer les marbres en parement et d’assortir en appareil régulier les blancs et les noirs. Chaque année ce monument s’élèverait d’une assise. On n’y emploierait que les blocs portant des inscriptions ou des sculptures. Quelles précieuses archives pour les antiquaires futurs ! Par un abus qu’on ne saurait trop déplorer, des tombes en marbre, provenant de la destruction des monument temporaires, ont quelquefois été enlevées clandestinement des dépôts où elles sont entamées pêle-mêle avec celles en pierre, en attendant que l’on convertisse ces dernières ou bordures de trottoirs ou en moellon, à mesure des besoins. La tombe de Saint-Lambert elle-même avait disparu, depuis que la personne de qui nous tenons ce renseignement avait constaté d’office sa présence au dépôt général. Sur la réclamation de M. d’H…, M. le préfet de la Seine a ordonné de sévères perquisitions, et la tombe a été réintégrée au dépôt du cimetière.