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HENRI POINCARÉ — LA DYNAMIQUE DE L’ÉLECTRON

vitesse de 200 000 kilomètres ; le corps, dans son mouvement relatif par rapport à l’observateur, peut atteindre la même vitesse ; sa vitesse absolue sera alors de 400 000 kilomètres, ce qui est impossible, puisque c’est un chiffre supérieur à la vitesse de la lumière.

C’est qu’il faut tenir compte de la façon dont il convient d’évaluer les vitesses relatives ; il faut les compter non avec le temps vrai, mais avec le temps local. Soient A et B deux points invariablement liés à l’observateur ; soit et les moments où le corps passe en A et en B, moments évalués en temps vrais ; soient et ces mêmes moments évalués en temps local de A ; soient et ces mêmes moments évalués en temps local de B. Si l’on évaluait la durée du parcours en temps vrai, cette durée serait donc et la vitesse relative  ; mais nous devons l’évaluer en temps local, c’est-à-dire noter l’instant du passage en A en temps local de A, et celui du passage en B en temps local de B, de sorte que la durée du parcours sera et la vitesse relative :

Et c’est ainsi que se fait la compensation.

XII. — L’Onde d’Accélération.

Quand un électron est en mouvement, il produit dans l’éther qui l’entoure une perturbation ; si son mouvement est rectiligne et uniforme, cette perturbation se réduit au sillage dont nous avons parlé au chapitre précédent. Mais il n’en est plus de même si le mouvement est curviligne ou varié. La perturbation peut alors être regardée comme la superposition de deux autres, auxquelles Langevin a donné les noms d’onde de vitesse et d’onde d’accélération.

L’onde de vitesse n’est autre chose que le sillage qui se produit dans le mouvement uniforme. Je précise : soit M un point quelconque de l’éther, envisagé à un instant soit P la position qu’occupait l’électron à un instant antérieur de telle sorte que soit précisément le temps que la lumière mettrait pour aller de P en M. Soit la vitesse qu’avait l’électron à cet instant Eh bien, si nous n’envisageons que l’onde de vitesse, la perturbation au point M sera la même que si l’électron avait continué sa route depuis l’instant en conservant la vitesse et avec un mouvement rectiligne et uniforme.

Quant à l’onde d’accélération, c’est une perturbation tout à fait analogue aux ondes lumineuses, qui part de l’électron au moment où il subit une accélération, et qui se propage ensuite par ondes sphériques successives avec la vitesse de la lumière.

D’où cette conséquence : dans un mouvement rectiligne et uniforme, l’énergie se conserve intégralement ; mais, dès qu’il y a une accélération, il y a perte d’énergie, qui se dissipe sous forme d’ondes lumineuses et s’en va à l’infini à travers l’éther.

Toutefois, les effets de cette onde d’accélération, en particulier la perte d’énergie correspondante, sont négligeables dans la plupart des cas, c’est-à-dire non seulement dans la Mécanique ordinaire et dans les mouvements des corps célestes, mais même dans les rayons du radium, où la vitesse est très grande sans que l’accélération le soit. On peut alors se borner à appliquer les lois de la Mécanique, en écrivant que la force est égale au produit de l’accélération par la masse, cette masse, toutefois, variant avec la vitesse d’après les lois exposées plus haut. On dit alors que le mouvement est quasi-stationnaire.

Il n’en serait plus de même dans tous les cas où l’accélération est grande, et dont les principaux sont les suivants : 1o Dans les gaz incandescents, certains électrons prennent un mouvement oscillatoire de très haute fréquence ; les déplacements sont très petits, les vitesses sont finies, et les accélérations très grandes ; l’énergie se communique alors à l’éther, et c’est pour cela que ces gaz rayonnent de la lumière de même période que les oscillations de l’électron ; 2o Inversement, quand un gaz reçoit de la lumière, ces mêmes électrons sont mis en branle avec de fortes accélérations et ils absorbent de la lumière ; 3o Dans l’excitateur de Hertz, les électrons qui circulent dans la masse métallique subissent, au moment de la décharge, une brusque accélération et prennent ensuite un mouvement oscillatoire de haute fréquence. Il en résulte qu’une partie de l’énergie rayonne sous formes d’ondes hertziennes ; 4o Dans un métal incandescent, les électrons enfermés dans ce métal sont animés de grandes vitesses ; en arrivant à la surface du métal, qu’ils ne peuvent franchir, ils se réfléchissent et subissent ainsi une accélération considérable. C’est pour cela que le métal émet de la lumière. C’est ce que j’ai déjà expliqué au chapitre IV. Les détails des lois de l’émission de la lumière par les corps noirs sont parfaitement expliqués par cette hypothèse ; 5o Enfin, quand les rayons cathodiques viennent frapper l’anticathode, les électrons négatifs qui constituent ces rayons, et qui sont animés de très grandes vitesses, sont brusquement arrêtés. Par suite de l’accélération qu’ils subissent ainsi, ils produisent des ondulations dans l’éther. Ce serait là, d’après certains physiciens, l’origine des rayons Röntgen, qui ne seraient autre chose que des rayons lumineux de très courte longueur d’onde.