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l’historien, changer ses lois, fausser ses instruments de recherches, ni même ses procédés d’appréciation. L’histoire, avant tout science des faits, est analogue aux autres sciences expérimentales. Quand un fait s’est produit et qu’il a subi le contrôle de la critique historique, peu importe qu’il plaise ou qu’il déplaise : il est. Ainsi dégagée de toute préoccupation étrangère au seul examen des faits, l’étude de la Révolution perd sans doute de son intérêt d’actualité ; mais que ne gagne-t-elle pas en impartialité ?

C’est dans cet esprit que nous nous sommes efforcé de résoudre l’intéressant problème que soulève l’attitude de Grégoire dans l’affaire du procès de Louis XVI. Toute sa vie, l’ancien évêque de Blois protesta qu’il n’avait pas voté la mort du roi de France. Accusé de régicide par l’opinion publique, lors de l’assemblée des évêques constitutionnels en 1801, il fit produire par Moïse, ex-évêque de Saint-Claude, une justification qui consistait en extraits de journaux contemporains du procès et en deux documents certifiés par Camus, garde des Archives nationales[1]. Ces documents étaient : 1o un extrait du procès-verbal de la Convention du 19 janvier 1793, qui mentionne « une lettre du 13 janvier des députés Grégoire, Hérault, Jagot et Simond, commissaires de la Convention nationale au département du Mont-Blanc, exprimant leur vœu pour la condamnation de Louis par la Convention, sans appel au peuple, » et 2o une copie de cette lettre même que voici :

Chambéry, 13 janvier 1793.

Nous apprenons par les papiers publics que la Convention nationale doit prononcer demain sur Louis ; privés de prendre part à vos délibérations, mais instruits par une lecture réfléchie des pièces imprimées et par la connaissance que chacun de nous avait acquise depuis longtemps des trahisons non interrompues de ce roi parjure, nous croyons que c’est un devoir pour tous les députés d’annoncer leur opinion publiquement et que ce serait une lâcheté de profiter de notre éloignement pour nous soustraire à cette obligation. Nous déclarons donc que notre vœu est pour la condamnation de Louis par la Convention nationale, sans appel au peuple. Nous proférons ce vœu dans la plus intime conviction, à cette distance des agitations où la vérité se montre sans mélange, et dans le voisinage du tyran piémontais.

Le certificat de Camus accompagnant ces deux pièces était ainsi libellé :

Collationné et trouvé conforme à l’original du procès-verbal, registre Aii, no  184, et à l’imprimé in-fol. du Bulletin de correspondance étant aux

  1. Annales de la religion, t. XIV, p. 38 et suivantes.