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des villes du moyen âge aient pour les historiens une importance capitale. Depuis le commencement de ce siècle, elles n’ont cessé d’attirer leur attention. Mais jamais elles n’ont été étudiées avec plus d’ardeur, avec plus de passion même, que de nos jours. Non seulement, chaque année nous apporte un grand nombre d’excellentes monographies, mais, preuve plus évidente encore de l’activité scientifique, on voit se succéder rapidement de brillantes tentatives pour combiner en une vaste synthèse les résultats épars de l’analyse. Il ne sera pas sans intérêt, me semble-t-il, avant de chercher à marquer les positions acquises et à poser de nouveau la question, de passer en revue les différentes théories formulées jusqu’ici.

Non seulement ce sujet constitue un des épisodes les plus attachants de l’évolution des sciences historiques pendant ce siècle, mais, en outre, il faut bien le reconnaître, la plupart des théories dont je me propose de parler dans les pages suivantes, sont encore presque inconnues en France. Alors que les noms de Sohm, de Roth, de Brunner sont cités continuellement dans les ouvrages français, on n’y rencontre presque jamais ceux de Nitzsch, d’Arnold, de Heusler, de von Maurer, de von Below[1] et de bien d’autres érudits qui ont fait accomplir tant de progrès à la connaissance des institutions urbaines[2]. La collaboration de la science française et de la science allemande, si active et si féconde sur d’autres terrains, ne s’est pas encore exercée jusqu’ici au profit des études d’histoire municipale. C’est là sans doute une situation des plus fâcheuses. Aujourd’hui que, grâce à la salutaire influence de l’École des hautes études, et en particulier de M. Giry, l’attention des médiévistes français se porte avec prédilection vers les institutions urbaines, il serait hautement regrettable de la voir durer plus longtemps. Ces considérations feront comprendre pourquoi j’ai cru utile de consacrer la première partie de ce travail à un rapide examen critique des principaux systèmes relatifs à notre sujet, en m’attachant spécialement à ceux qui ont été formulés en Allemagne[3].

  1. Ceci était écrit quand ont paru le tome II des Origines de l’ancienne France de M. Flach et l’Étude sur la politique de l’empereur Frédéric II en Allemagne de M. G. Blondel, où l’on trouve un résumé succinct des principales théories générales sur l’origine des institutions urbaines.
  2. En Allemagne d’ailleurs, la connaissance des travaux français sur l’histoire municipale n’est pas aussi répandue qu’on le souhaiterait. Dans l’ouvrage qu’il vient de publier (Städte und Gilden der Germanischen Völker) et où il s’occupe tout spécialement des villes françaises, M. Hegel ne connaît ni le livre de M. Giry sur Saint-Quentin, ni celui de M. Lefranc sur Noyon, ni celui de M. Flammermont sur Senlis.
  3. En France on n’a plus guère tenté, depuis Augustin Thierry et Guizot,