Page:Revue historique - 1893 - tome 53.djvu/71

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

de la constitution de l’État, on peut dire que pour celle des villes il est indifférent[1]. La théorie n’a pas mieux résisté à la critique en ce qui concerne les origines et la compétence du conseil. Le conseil épiscopal, d’où Arnold fait sortir celui de la ville, n’a rien de particulièrement urbain. Ses fonctions s’étendent à tout l’évêché. D’autre part, les pouvoirs du conseil de la ville ne sont pas essentiellement politiques, et, bien loin qu’il ait acquis partout la juridiction des fonctionnaires épiscopaux, on constate au contraire que, dans le plus grand nombre des villes, il n’a jamais eu qu’une juridiction incomplète. Ajoutons que l’identification de la bourgeoisie avec l’Altfreie Gemeinde est inexacte. Ici encore, le point de vue d’Arnold est trop exclusivement politique. La bourgeoisie est avant tout une classe de formation sociale. La condition juridique, le status de ses membres, peut être, à l’origine, très différent[2]. C’est à la longue seulement que le droit de bourgeoisie a presque partout coïncidé avec la liberté. Et encore la liberté du bourgeois est-elle quelque chose de très éloigné de la liberté de l’homo ingenuus de l’époque franque.

Les idées de Nitzsch n’ont pas plus victorieusement que celles d’Arnold subi l’épreuve de la critique[3]. S’il est impossible de tout ramener dans la ville au droit public, il ne l’est pas moins de tout expliquer par le droit domanial. Nitzsch a énormément exagéré l’importance des ministeriales. Le droit domanial n’a pas eu la puissance et la fécondité qu’il lui attribue. Loin d’avoir formé les bourgeoisies, on peut dire, au contraire, qu’il a retardé leur apparition. C’est là seulement, en effet, où il était très développé et très fort que l’évolution urbaine ne s’est pas accomplie pacifiquement[4]. À y regarder de près, on voit que l’organisation urbaine s’est formée à côté de

  1. Voy. von Below, Zur Entstehung der deutschen Stadtverfassung (Historische Zeitschrift, t. LVIII), p. 234.
  2. Sur tout ceci, voy. Koehne, op. cit., p. 26 et suiv.
  3. La critique de la théorie de Nitzsch a été faite d’une manière très complète et avec une grande précision par von Below, Zur Entstehung der deutschen Stadtverfassung (Historische Zeitschrift, t. LVIII). Il a eu le mérite de la réfuter définitivement. Voy. Sohm, Die Entstehung des deutschen Städtewesens, p. 10, et A. Schulte, dans Göttingische gelehrte Anzeigen, 1892, p. 520.
  4. C’est ce que l’on peut constater en général dans les villes épiscopales, aussi bien en France qu’en Allemagne. À ce point de vue, le développement pacifique des villes flamandes présente un contraste instructif avec les mouvements révolutionnaires auxquels remonte l’organisation de la commune dans la ville épiscopale voisine de Cambrai. Sur la formation de la commune de Cambrai, voy. Dickmeyer, Die Stadt Cambrai. Verfassungsgeschichtliche Untersuchungen. Iéna, 1889. — Cf. Hegel, Städte und Gilden der Germanischen Völker, II, 56.