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disparaît. Peu à peu, par suite du développement de la vie économique, les marchands proprement dits, d’une part, les artisans, de l’autre, se séparent. Ces derniers s’organisent en corps de métiers, tandis que les autres forment, sous le vieux nom de gilde, un groupe fermé et aristocratique, véritable corporation de capitalistes, en présence de celles des travailleurs.

Nitzsch n’a pas eu le temps de donner à ses idées une forme définitive. Il est mort avant d’avoir écrit le livre dont ses articles de l’Académie de Berlin ne sont que la préparation[1]. Mais l’hypothèse émise par lui n’en a pas moins été accueillie avec une singulière faveur. Elle a provoqué de nombreuses et instructives recherches ; elle a été précisée et complétée. On trouve son influence dans les travaux de Hœniger[2], de Liesegang[3], de Geering[4] et de bien d’autres. M. Gross l’a appliquée aux villes anglaises[5], M. Gothein s’en est inspiré dans ses belles études sur Fribourg-en-Brisgau[6]. En revanche, elle a été énergiquement attaquée par MM. von Below[7] et Hegel[8]. Je ne puis entrer ici dans le détail des arguments invoqués pour ou contre la manière de voir de Nitzsch[9]. C’est des études de détail qu’il faut attendre, sur une question aussi délicate que celle-ci, une solution définitive. En tous cas, si l’on doit accorder que la doctrine nouvelle n’est encore qu’une hypothèse, il faut reconnaître aussi que les raisons alléguées contre elles ne sont pas toutes convaincantes. M. Hegel affirme que la gilde n’est pas antérieure aux métiers, mais il ne réussit pas à le prouver. Sa conception de la

  1. Voy. Zeitschrift der Savigny-Stiftung, etc. Germanistiche Abtheilung, 1892, p. 12.
  2. Der Ursprung der Kölner Stadtverfassung (Westdeutsche Zeitschrift für Geschichte und Kunst, 1883, p. 227-248).
  3. Die Kaufmansgilde von Stendal. — Zur Verfassungsgeschichte von Magdeburg und Salzwedel. — Zur Verfassungsgeschichte von Neu-Ruppin. — Zur Verfassungsgeschichte von Perleberg. (Forschungen zur Brandenburgischen und Preussischen Geschichte, t. III et IV.)
  4. Handel und Industrie der Stadt Basel. Bâle, 1886.
  5. The Gild Merchant, I, p. 106 et suiv.
  6. Wirthschaftsgeschichte des Schwarzwaldes, I, 92 et suiv.
  7. G. von Below, Die Bedeutung der Gilden für die Entstehung der deutschen Stadtverfassung (Jahrbücher für Nationalœkonomie und Statistik, 1892, p. 56 et suiv.), et les autres ouvrages de cet auteur, passim.
  8. Ouvr. cité, passim.
  9. M. A. Doren, dans un ouvrage très intéressant dont je n’ai eu connaissance qu’au moment d’envoyer cet article à l’impression, Untersuchungen zur Geschichte der Kaufmannsgilden des Mittelalters, Leipzig, 1893, me paraît avoir apprécié fort exactement tout à la fois les exagérations et la valeur durable des études de Nitzsch, p. 130 et suiv. — Voir aussi, à ce propos, la Revue critique du 27 mars 1893, p. 243.