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est plus grave encore, la juridiction en matière de poids et mesures, dont M. von Below fait l’élément essentiel et primordial de la juridiction du conseil, n’est pas d’origine communale. Elle est publique ; elle fait partie intégrante du comitatus[1]. J’ajoute que M. von Below n’a pas réussi à montrer que dans les villes anciennes la compétence du conseil fût identique à celle du Burding[2]. Il en est de sa théorie comme de celle de von Maurer : on ne peut l’appliquer qu’aux bourgs de la fin du moyen âge qui ne sont, au fond, que des villages pourvus d’institutions imitées de celles des villes. On pourra objecter, il est vrai, que dès l’origine les villes possèdent des terrains communaux (Allmende), et qu’en bien des cas leur banlieue n’est autre chose qu’une marche de village. Mais ce ne sont point là des phénomènes nécessaires et généraux. Si les bourgeois tiennent du seigneur des droits d’usage dans quelques arpents de prés ou de terres vagues, c’est non pas qu’ils aient formé à l’origine une commune rurale, mais tout simplement parce que, étant données les conditions de la vie urbaine au moyen âge[3], l’agglomération d’une population de quelque importance en un même endroit serait impossible sans la jouissance de ces droits[4]. Quant à la banlieue de la ville, on peut démontrer que, fort souvent, elle a été formée artificiellement et ne coïncide avec aucune circonscription préexistante[5]. Au surplus, on a des exemples de villes fondées sur le territoire d’un village et conservant à côté de lui une existence absolument indépendante[6] :

  1. Voy. Revue critique, 1892, I, p. 365 et suiv., et tout récemment un article de M. G. Schmoller, Die Verwaltung des Mass- und Gewichtswesens im Mittelalter (Jahrbuch für Gesetzgebung, Verwaltung und Volkswirthschaft, 1892, p. 289 et suiv.).
  2. Voy. Revue critique, 1890, I, p. 49 et suiv.
  3. Les bourgeois possèdent en effet des bestiaux en assez grand nombre (voy. von Below, Ursprung, p. 24 et suiv.). On sait d’ailleurs qu’il en est encore ainsi, de nos jours, dans les petites villes de province.
  4. Dans beaucoup de villes, d’ailleurs, les communaux sont d’étendue fort restreinte et il est impossible d’y voir une Allmende de village. Voy. Gothein, Wirthschaftsgeschichte des Schwarzwaldes, I, p. 70 et suiv. — Si une Allmende était, en théorie, indispensable à la ville, on en trouverait régulièrement mention dans les chartes de villes neuves. Or celles-ci n’en parlent jamais. Voy. encore le récit de la fondation d’Ardres dans la Chronique de Lambert d’Ardres, éd. Menilglaise, § 109.
  5. Voy. un exemple caractéristique à Ardenbourg. Warnkoenig, Flandrische Staats und Rechtsgeschichte, II, 2e partie, P. J., p. 58, § 36. — Les mots qui désignent la banlieue (scabinagium, justitia, bannum, bannileuga, franchise, vrijheit, bijvank, kuere, etc.) ne permettent d’ailleurs pas de voir en elle une marche de village.
  6. Gand, par exemple, fondé sur les terres de Saint-Pierre et de Saint-Bavon, et Bruges sur celles de Sysseele.