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d’un fonds de terre par un établissement ecclésiastique, ce fonds continuera à relever du droit commun. On oblige les églises à revendre les immeubles qui leur ont été légués. Parfois même on va jusqu’à leur interdire formellement d’en acquérir[1].

Mais ce n’est pas tout. Le droit urbain n’a pas supprimé seulement la servitude personnelle et la servitude foncière, il a fait disparaître aussi les droits seigneuriaux, les justices fiscales qui frappaient directement l’exercice du commerce et de l’industrie. Nous avons vu plus haut que si, en théorie, le tonlieu est un impôt public, en fait, cependant, il a pris le caractère d’une exaction[2]. N’ayant plus aucun effet utile, il ne peut être envisagé par le contribuable que comme un moyen pour le seigneur d’augmenter ses revenus par l’exploitation du commerce. Lorsque, au lieu d’être perçu directement au nom du justicier, il est donné en fief à quelque chevalier ou à quelqu’abbaye, il n’en devient que plus odieux. Ajoutons à cela qu’il entraîne, en général, en cas d’infraction, l’amende de soixante sous[3], et qu’ainsi le droit met ses châtiments les plus sévères au service d’un impôt oppressif et vexatoire.

Rien d’étonnant, dans ces conditions, de voir les bourgeois chercher à s’en affranchir. Le chroniqueur Galbert nous montre que c’est là, en Flandre, une de leurs principales préoccupations. C’est parce que le prétendant Guillaume de Normandie ne tient pas sa promesse de le leur abandonner qu’ils se soulèvent et appellent Thierry d’Alsace[4]. Au cours du xiie siècle, partout, de gré ou de force, le tonlieu se modifie. Ici, il est racheté moyennant une rente annuelle[5] ; ailleurs, ses modes de perception sont transformés[6]. Presque toujours, plus ou moins complètement, il est placé sous la surveillance et sous la juridiction de la ville[7]. Cela revient à dire que celle-ci hérite du droit de police sur le commerce et l’industrie locale, ainsi que de

  1. Wauters, Libertés communales, Preuves, p. 129. — Add. Jacques de Vitry, dans Giry, Documents, p. 59 : laïcis enim quamvis religiosis, nulla de ecclesiasticis facultatibus legitur unquam disponendi attributa facultas.
  2. Voyez plus haut, p. 72, n. 5.
  3. Guiman, Cartul. de Saint-Vaast, p. 179. Tardif, Monum. historiques, p. 180 et suiv.
  4. Galbert de Bruges (éd. Pirenne), § 88.
  5. Teloneum vero suum ab eodem in perpetuo censu receperunt, quotannis c solidos dando. Giry, Saint-Omer, p. 377. — Miraeus, Opera diplomatica, III, p. 597.
  6. Warnkœnig-Gheldolf, Hist. de Flandre, III, p. 233 et suiv.
  7. Theloneum ad scabinatum pertinet. Warnkœnig-Gheldolf, Hist. de Flandre, III, p. 230. Cf. dans Guiman, Cartul. d’Arras, p. 180, un texte intéressant, montrant comment le tonlieu a passé sous la juridiction de la ville.