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affecte à son service les bateaux ou les chevaux des habitants[1] ; coutumes de toute sorte et de toute origine, devenues oppressives et vexatoires, comme celle qui interdit l’établissement de ponts sur les cours d’eau, ou qui frappe de taxes les façades des maisons[2]. De tout cela, au xiiie siècle, il ne reste presque plus que le souvenir. Les seigneurs, après avoir essayé de la résistance, ont fini par céder. Ils ont compris, à la longue, que leur intérêt bien entendu leur commandait, non d’entraver le développement des villes pour se conserver quelques maigres revenus, mais de le favoriser en supprimant devant lui les entraves gênantes. Ils arrivent, tôt ou tard, à se rendre compte de l’antinomie de ces vieilles prestations avec l’état de choses nouveau, et on les entend parfois les qualifier eux-mêmes de rapines et d’exactions[3].

Comme la condition des personnes, le régime des terres et le système fiscal, le fonds même du droit se transforme dans les villes. La procédure compliquée et formaliste, les cojurateurs, les ordalies, le duel judiciaire, tous ces moyens de preuve barbares, qui laissent trop souvent le hasard ou la mauvaise foi décider de l’issue d’un procès, ne tarderont pas, à leur tour, à s’adapter aux conditions nouvelles du milieu urbain[4]. On sent désormais impérieusement le besoin de réformes profondes. Les vieux contrats formels du droit germanique doivent disparaître, du jour où la vie économique devient plus compliquée et plus active. Le duel judiciaire dont, au ixe siècle déjà, Louis le Pieux a exempté les marchands de la marche d’Espagne[5], ne peut se maintenir longtemps au milieu d’une population de commerçants et d’artisans. Dès le début du xiie siècle, il est supprimé dans un grand nombre de localités : en 1108 à Staveren[6], en 1116 à Ypres[7],

  1. Gengler, Stadtrechte, p. 451 ; Droit de Strasbourg, § 88 ; Lambert de Hersfeld, éd. in-8o, p. 150 ; Charte de Beauvais, § 8, 9 ; Giry, Documents, p. 9.
  2. Labande, Hist. de Beauvais, p. 55. Cet exemple est très caractéristique parce qu’il montre clairement l’antinomie qui existe entre les intérêts agricoles et les intérêts industriels. Le chapitre veut forcer les teinturiers de la ville à démolir les ponceaux établis par eux sur le ruisseau qui active leur moulin, parce que ces ponceaux gênent l’écoulement des eaux.
  3. Intelligens… consuetudinem istam potius esse rapinam vel violentam exactionem quam consuetudinem rationabilem et justam. Warnkœnig-Gheldolf, Hist. de Flandre, I, p. 344.
  4. Sur tout ceci, voyez Gierke, Das deutsche Genossenschaftsrecht, III, p. 645 et suiv.
  5. Formulae imperii, 30, éd. Zeumer.
  6. Waitz, Urkunden, p. 44.
  7. Warnkœnig-Gheldolf, Hist. de Flandre, V, p. 321. Le comte supprime en même temps le judicium igniti ferri aut aque.