Aller au contenu

Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/326

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
316
REVUE PÉDAGOGIQUE

Au point de vue de la doctrine, Ch. Ritter reprend, mais pour l’agrandir, l’idée d’Alex. de Humboldt. Il interroge la terre elle-même, et lui demande quelles relations étroites existent centre l’histoire des peuples et la nature même des pays où ils se sont développés. Il trouve dans les conditions du sol et du climat la cause principale du développement des nations, et fait ainsi de la géographie la science maîtresse, sans laquelle l’histoire reste obscure ou ne nous dit rien de précis. « C’est partout, écrit-il dans l’introduction de sa Géographie comparée, dans toutes les plaines et sur toutes les hauteurs, chez tous les peuples et dans tous les États, que se manifestent les relations intimes de la nature avec l’histoire, depuis l’origine du monde jusqu’à nos jours. Tous les peuples sont sous l’influence de la nature. » Toutefois il n’arrive à montrer comment Je sol peut agir sur l’homme qui l’habile qu’après avoir exposé l’ensemble des phénomènes apparents ou cachés, météorologiques et souterrains, qui ont modifié la face des continents. Ce n’est donc pas sans raison qu’il a intitulé son grand ouvrage de géographie comparée : La Connaissance de la terre dans ses rapports avec la nature et l’histoire de l’homme[1]. Sans doute il est parfois longet diffus, et nous nous perdons à sa suite dans des discussions sans fin, qui nous font oublier l’objet même qui est en question. Mais suivons-le jusqu’au bout, et les larges aperçu s dans lesquels il exposera la synthèse même de sa doctrine feront plus que compenser les fatigues du chemin.

On a fait un autre reproche à Ritter : celui d’avoir introduit l’élément religieux ou théologique dans la discussion de faits purement scientifiques, en insistant sur l’action d’une Providence toujours vigilante, qui préside aux transformations continues du globe. II y a du vrai dans cette critique, et le grand géographe de Berlin, aux yeux d’un certain nombre de critiques, ne passe point pour un véritable savant. Léopold de Buch et Osc. Peschel notamment prétendent qu’il n’a pas fait de la géographie véritablement scientifique, car à leurs yeux celle-ci doit s’appuyer sur la géologie, ou la connaissance précise des lois qui ont présidé non pas à la configuration générale, mais à la formation même de la croûte Lerrestre. Toutelois il faut le dire : la géologie, à cette époque, ne faisait que de naître, en Allemagne avec A. de Humboldt et Léopold de Buch, en Angleterre avec Ch. Lyell, en France avec Dufrénoy et Élie de Beaumont. Ce n’était que beaucoup plus tard qu’un autre grand géologue pouvait avec raison poser ce principe « que sans la géologie, la topographie et la géographie sont comme lettres closes ou des corps sans ânes ; qu’elles restent en quelque sorte silencieuses et mortes, tant que l’induction de l’observateur ne les a pas ranimées

  1. Die Erdkunde im Verhältniss zur Natur und zur Geschichte der Menschen.