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s’affranchissant de la loi de leurs rapports naturels, ne prend guère pour règle que des apparences superficielles et des semblants grossiers et le plus souvent faux. Bichat fit un premier effort, et non en vain, pour tirer la science de ce désordre et de cette impuissance. Il conçut une ébauche de l’échelle de composition organique qui devait être comme le squelette de la classification des pièces organiques. Il choisit les dénominations suivantes pour représenter les termes successifs de cette progression : le tissu, le système, l’organe, l’appareil. Disons avant d’aller plus loin qu’à cette énumération les élèves de Bichat ne tardèrent pas à en substituer une autre qui constituait un amendement heureux à celle trop peu rigoureuse du maître ; la voici : l’élément, le tissu, l’organe, l’appareil.

Chacun des degrés de cette progression de composition anatomique réelle où l’inférieur est au supérieur dans le rapport du simple au composé, de la partie au tout, chacun de ces termes partitifs devient ensuite un terme générique relativement à un groupe d’espèces qui se rattachent à lui. De même que la lettre, la syllabe, le mot, etc., expriment respectivement la nature commune des différentes lettres, des différentes syllabes, des différents mots, etc., pareillement l’élément anatomique, le tissu, l’organe, l’appareil deviennent, chacun, le nom de genre des différentes espèces d’éléments, des différentes espèces de tissus, des différentes espèces d’organes, etc.

Telle est la vue qui s’offrit à l’esprit de Bichat (elle l’a, et justement, immortalisé), et en écrivant ce titre si neuf et si significatif d’anatomie générale sur le livre où il en donnait la primeur, cela paraît indubitable, il ne dut, dans l’anatomie générale, voir autre chose que la philosophie de l’anatomie, et il ne put pas ne pas lui assigner pour objet essentiel la définition et la théorie des quatre points généraux dans lesquels venait de se résumer à ses yeux l’entier programme de la science du corps humain. Il serait inexplicable que son idée native n’eût pas été que chacun des quatre termes de sa progression de composition organique devait être considéré et déterminé en soi, dans sa généralité, pour qu’on pût arriver à formuler une doctrine générale des tissus, des organes, des appareils, destinée à éclairer de haut et à ramener à sa plus simple expression, à son expression purement spécifique, l’étude de chaque espèce particulière de tissu, de chaque espèce particulière d’organe, etc. Entre l’anatomie générale et l’anatomie spéciale, la ligne de démarcation était donc bien nette, bien tranchée ; mais voilà que Bichat, qui venait de la tracer de sa propre main magistralement, cesse tout à coup de la voir, la méconnaît tout à fait. Par la plus grave des