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rique pour la rénovation de l’humanité. Pour cela elle doit être de toute nécessité accompagnée d’un témoignage fidèle, sur lequel on puisse se reposer et qui fasse lui-même partie intégrante de la révélation. Sans cela nous n’aurions plus rien qui nous en garantit l’exacte connaissance pendant le cours de son activité historique, ni rien qui nous permit de la rétablir en cas d’altération. Et toutefois, le déploiement des bienheureux effets de la révélation dépend incontestablement de la connaissance qu’on en a. Voilà pourquoi, quand on croit à la révélation, on ne peut s’empêcher, pour être conséquent, de postuler à priori qu’elle soit accompagnée d’un témoignage essentiellement authentique et de s’en remettre avec confiance à la Providence qui ne peut avoir manqué de prendre des mesures pour la formation et la conservation d’un pareil document. Dirons-nous, au contraire, que la Bible ne nous donne pas pour l’essentiel une connaissance exacte delà révélation ? Il faut alors renoncer à croire, non seulement que nous possédons la révélation et que nous en jouissons, mais qu’il y ait jamais eu une révélation, un christianisme authentique. »

La divergence fondamentale entre l’ancienne et la nouvelle théologie, sera que, dans la première la révélation est éclipsée par l’Écriture qui est censée son expression adéquate, et par la dogmatique traditionnelle qui passe pour être l’expression la plus fidèle de la Bible, et qu’on arrive à une notion objective de la religion, que l’on fait consister dans l’ensemble des principes, des doctrines et des enseignements sur Dieu et sur l’homme qu’il faut admettre et croire pour être chrétien ; dans la seconde, il est procédé tout autrement. Pour celle-ci la religion est primitivement une piété subjective. Le dogme, œuvre éminemment humaine, ne saurait être confondu ni avec la révélation, ni avec les données scripturaires : il est un travail de seconde main, un produit de la réflexion chrétienne cherchant à se rendre intellectuellement compte des expériences que la conscience chrétienne a faites au contact de la révélation et de l’Écriture.

Il faut avouer qu’en tout ceci l’autorité extérieure de la Bible semblera passablement compromise. Qui fixera des bornes à l’action de la critique ? Y a-t-il même lieu de conserver ce terme d’infaillibilité biblique, quand le tout semble se réduire à une autorité morale et religieuse ? Les partisans de l’ancien système, de l’inspiration absolue, verront trop clairement ce qu’ils perdent, et beaucoup moins ce qu’ils gagnent. Au lieu d’un lingot d’or pur, une masse composée d’éléments hétérogènes où l’on nous assure que le noyau résistera à tous les dissolvants. Il est vrai que la théorie du passé est devenue intenable et qu’elle est condamnée par tout esprit chez lequel la conviction religieuse n’a pas étouffé les droits de l’intelligence. Sans donc juger l’essai de Rothe et de ses émules, sans nous hasarder même à en prévoir les destinées, nous devons le signaler comme une tentative remarquable de reconquérir l’unité de la pensée et du sentiment, sans sacrifier l’un à l’autre.