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analyses. — loguet. La notion d’espace.

connaître à fond tous les auteurs dont il parle. Il les sait si bien qu’il procède au moins aussi souvent par voie d’allusion que par voie de citation. Quand il cite il ne donne pas toujours l’indication précise du passage qu’il cite. Ainsi, p. 32, je trouve une revue des philosophes qui ont, avant Leibniz, montré les côtés faibles du Cartésianisme. À ce propos, M. Luguet cite d’importants passages de Bayle sans aucun renvoi. De même, p. 36, pour un passage de Nicole. P. 96, M. Luguet, parlant de la géométrie imaginaire, nous dit que « la prétendue invention des géomètres d’outre-Rhin n’était pas inconnue à Roberval, à Fermat, à Pascal et à Descartes. » C’est là certes un point qui a son importance et l’on aimerait à recourir aux textes. Quelques indications auraient bien peu coûté à M. Luguet et elles auraient épargné à ses lecteurs de longues et laborieuses recherches. M. Luguet parle souvent avec une singulière estime (p. 37) de J.-B. Duhamel, qui fut, si je ne me trompe, le premier secrétaire de l’Académie des sciences. Il le regarde comme un précurseur de Leibniz, auquel Leibniz aurait dû plus de choses qu’il ne l’aurait avoué. Je trouve en tête du livre que nous examinons ici le titre d’un autre ouvrage de M. Luguet : La Philosophie de Jean-Baptiste Duhamel et la Philosophie de Leibniz. C’est là un titre qui attirera les personnes curieuses d’histoire de la philosophie, car si le nom et la vie de J.-B. Duhamel sont assez connus, ses ouvrages le sont beaucoup moins. Pourquoi M. Luguet ne nous donne-t-il aucune indication, ni d’éditeur, ni même de date ?

Mais je ne veux pas insister sur ces petites querelles ; j’ai hâte d’arriver à des points plus importants. Du moment que M. Luguet voulait se renfermer dans la philosophie moderne, il est clair qu’il n’avait pas à examiner de plus grands systèmes que ceux de Descartes, de Leibniz et de Kant ; mais, d’autre part, précisément parce que ces systèmes sont les plus grands, ils sont aussi les mieux connus. Si M. Luguet n’était qu’un historien je n’aurais rien à dire, mais M. Luguet a la prétention d’être, il est très-certainement, un vrai philosophe. Il tient, j’en suis sûr, par-dessus tout à ses conclusions personnelles. Alors je me demande comment il est possible de présenter des conclusions personnelles sur l’espace, en prenant la question au point où Kant l’a laissée. Je sais bien que, p. 179 et suiv., M. Luguet examine le système de M. Magy. Personne assurément n’admire plus que moi les beaux travaux de M. Magy, qu’au reste M. Luguet n’a pas, du moins à mon avis, réfuté aussi complètement qu’il le croit. Mais quelque valeur qu’ait un livre tel que le livre de M. Magy, intitulé De la Science et de la Nature, on ne saurait vraiment soutenir que l’examen d’un tel ouvrage rende inutile l’examen de monuments tels que l’Optique physiologique de M. Helmholtz, ou la Philosophie de Hamilton de M. Stuart Mill. À Dieu ne plaise que j’accuse M. Luguet de ne pas connaître de telles œuvres ; mais, s’il se décide à n’en pas tenir compte, nous avons peut-être le droit de lui demander quelles sont ses raisons.

J’aurais à faire une remarque du même genre sur un autre point. Il