Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, II.djvu/151

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
141
penjon. — la métaphysique de j. ferrier

ceux-ci, faute de pouvoir mieux poser le problème et de voir clairement quelle était ici la question à résoudre, ont été portés à croire que l’analyse platonicienne distinguait des genres, où elle ne distingue en réalité que des éléments.

De là, la sixième contre-proposition : toute connaissance est particulière ou générale exclusivement. Il y a un genre de connaissances particulières, comme celle de cet arbre, de ce livre, etc. Il y a un autre genre de Connaissances qui ne se forment que plus tard, celui des connaissances générales ; elles ne répondent à aucune réalité ; ce sont de pures conceptions de l’esprit formées par abstraction et par généralisation.

C’est l’expression de la doctrine le plus généralement adoptée encore aujourd’hui. Les effets de la mauvaise interprétation de l’analyse platonicienne ont subsisté jusqu’à présent, et c’est à peine si quelques philosophes ont entrevu de loin en loin une explication meilleure. Dès que l’on admet la distinction de deux genres de connaissances, il faut déterminer les êtres auxquels ils correspondent l’un et l’autre. Pour les connaissances particulières, il n’y a jamais eu de difficulté : nous vivons au milieu de choses particulières qui sont naturellement les objets de ces connaissances. L’embarras commence quand on en vient aux connaissances générales. Quel est le genre d’êtres qui leur répond ? Quel est l’objet réel des idées qui s’expriment par ces termes généraux : homme, animal, arbre ? Trois écoles, qui ont rempli le moyen âge de leur querelle, ont proposé des solutions différentes.

Les réalistes, disciples respectueux mais peu éclairés de Platon, admettent, conformément à ce qui leur paraissait être la doctrine du maître, que les genres et les espèces désignés par les mots homme, animal, arbre, ont une existence actuelle, distincte de celle des hommes, des animaux, des arbres particuliers. Ces genres sont-ils corporels ou incorporels ? C’est difficile à dire ; mais à coup sûr, ils sont réels. Cette opinion, ainsi fondée sur la prétendue autorité de Platon et s’accordant d’ailleurs avec certains principes d’une théologie alors dominante, règne dans les écoles, et a, pour un temps, la prépondérance.

Même sous sa forme la plus extravagante, le réalisme n’est pas plus faux que les théories qui à la fin l’emportèrent. Le conceptualisme est préféré bientôt par ceux qui s’en rapportent plus volontiers à la raison qu’à l’autorité ; toute existence est particulière, et toute connaissance d’abord est aussi particulière. Mais l’esprit, par l’abstraction et la généralisation, forge des conceptions, des notions générales, des connaissances universelles qui sont de purs êtres de