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penjon. — la métaphysique de j. ferrier

« Les objets, quels qu’ils puissent être, sont le phénoménal dans la connaissance : la matière dans toutes ses variétés ; les pensées ou les états de l’esprit ; l’universel ; le particulier ; le moi, l’esprit ou le sujet, sont autant de phénomènes dans la connaissance. » On ne petit, en effet, connaître séparément, nous l’avons vu, ces différents termes ; ils s’accordent donc avec la définition donnée de ce qui est phénoménal. La contre-proposition offre, dans ce cas, cette particularité, qu’elle est identique dans les termes à la proposition, quoique bien différente pour le fond. « C’est par impuissance, dit-on, que nous connaissons comme phénomènes et la matière, et le moi, etc. » On ne s’aperçoit pas que l’on tombe ici dans une contradiction ; ce n’est pas parce que nos facultés sont bornées que nous connaissons et l’objet et le sujet comme phénomènes : c’est parce qu’ils ne peuvent être connus séparément ; c’est en vertu d’une loi de raison. De plus, d’après la définition du mot phénomène, il est contradictoire de soutenir que nous connaissons seulement des phénomènes.

« Il y a un substantiel dans la connaissance : en d’autres termes, la substance, ou le substantiel, est connaissable et est connu de nous. » La substance est, en effet, par définition[1], ce qui peut être connu sans qu’il soit nécessaire de connaître en même temps autre chose. — On admet généralement qu’il y a une substance, mais on se trompe sur la définition ; il importait donc de la rappeler. — Nous ne connaissons pas la substance, disent les psychologues. Quoi ! faut-il donc connaître tout toujours avec autre chose, et ainsi de suite à l’infini ? La connaissance est alors impossible, et c’est la nier, en effet, que de soutenir cette contre-proposition.

En quoi consiste donc la substance dans la connaissance ? « L’objet plus le sujet est le substantiel dans la connaissance ; la matière avec le moi ; les pensées quelles qu’elles soient, les états de l’esprit avec le moi ou sujet ; l’universel uni au particulier ; le moi ou l’esprit dans un état déterminé, voilà la substance dans la connaissance. Cette synthèse, quels que soient les mots qui l’expriment, est la substance et la seule substance à connaître. » D’après la contre-proposition, ce sont plutôt les membres de cette synthèse, que la synthèse elle-même, qui méritent le nom de substances. Pour en démontrer la fausseté, il suffit de recourir aux définitions données. Nous ne nous arrêterons pas davantage à la théorie des psy-

  1. Cette définition est empruntée à Spinoza. Seulement, comme il le fait remarquer, M. Ferrier la transporte de la substance existante à la substance connue.