Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, II.djvu/173

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
163
penjon. — la métaphysique de j. ferrier

ne se sont pas exactement rendu compte de la nature de la connaissance. L’explication proposée par Locke ne diffère de celles-là que par son ambiguïté plus grande encore. Les choses matérielles existent, dit-il, et elles donnent naissance à nos idées sensibles ou à nos perceptions, parce qu’une loi divine leur a attribué ce pouvoir. Cette proposition résume en les confondant les quatre hypothèses dont nous avons parlé, et elle permet de ranger Locke, aussi bien que ses prédécesseurs, parmi les représentationistes.

Berkeley, le premier, s’occupe de la nature plus que de l’origine de la connaissance. Il se déclare ennemi du représentationisme sous toutes ses formes. Pour lui, les choses sont une partie, non l’objet entier de la connaissance, car l’objet entier implique un autre élément, un élément subjectif. Mais son système est plutôt l’exposé de la structure contingente de notre intelligence que celle de la structure nécessaire de toute intelligence, et il n’a pas assez fait voir que la matière per se est, pour toute raison, contradictoire. — La doctrine de Berkeley est donc imparfaite ; mais elle est l’œuvre d’un philosophe de génie, et il est triste de voir combien elle a été mal comprise dans la suite et sottement attaquée.

Avant de parler, dans cette revue rapide, du système de Kant, il est nécessaire d’éclaircir une théorie fameuse et généralement mal comprise, celle des idées innées. — Il y a assurément dans toute connaissance un élément inné, et un élément emprunté au dehors ou extrané, si l’on peut ainsi dire : le sujet et l’objet, le moi et les choses. Mais il faut bien remarquer que ces mots : inné, extrané, ne s’appliquent pas à des idées différentes, qu’ils désignent seulement chacun une partie de chaque idée ; il ne faut donc pas croire qu’il y ait dans notre esprit une classe d’idées innées. C’est la méprise que tous les philosophes ont commise, et Kant lui-même a pris les idées innées pour un genre spécial d’idées au lieu de ne voir en elles qu’un élément particulier de toute connaissance. L’obscurité de son système, l’équivoque de son langage veut faire croire qu’il s’est approché parfois de la vérité ; mais il ne l’a jamais exprimée clairement, et il doit être condamné comme ses devanciers.

Le système des Institutions de métaphysique échappe à toutes ces critiquée. Il ne part pas d’une simple hypothèse ; il établit que toute connaissance se compose de deux éléments, que chacun de ces éléments n’est en lui-même qu’une moitié, qu’une partie de la connaissance, que la matière n’est qu’un demi-objet, que toute connaissance est « intuitive » et non représentative ; il est nettement apposé au matérialisme et au faux idéalisme ; enfin il n’a pas à expliquer l’origine de la connaissance, car la connaissance elle-