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autre chose que de l’admiration pour la force de son esprit et l’originalité de ses conceptions. Quelques objections, exposées et réfutées dans l’appendice dont nous parlions, viennent précisément de ceux qui auraient pu devenir les plus fidèles disciples de cette philosophie nouvelle, ou ses patrons les plus autorisés.

Ce n’est pas une raison pour la condamner ou ne la regarder que comme un jeu d’esprit. Cette subtile doctrine nous paraît, en effet, singulièrement puissante contre les vieilles entités métaphysiques, contre tout cet appareil scolastique dont la philosophie dite spiritualiste est encore embarrassée, contre ces affirmations équivoques, qui ont passé depuis longtemps à l’état de dogmes, sur l’âme et la matière, la substance et les phénomènes, le particulier et le général. Aucun système ne rompt plus hardiment en visière à toutes ces croyances surannées, qui n’ont servi jusqu’ici qu’à rendre trop facile la victoire aux partisans de la pure expérience, aux positivistes, aux ennemis de toute philosophie spéculative. Et, d’autre part, aucune doctrine, si on veut la comprendre et se l’assimiler par une patiente réflexion, n’est plus propre à assurer les véritables principes sur lesquels doivent désormais se fonder et la psychologie et la philosophie naturelle, le vrai spiritualisme et la science de ces questions que les sciences proprement dites laissent à résoudre. L’idéalisme, tel que l’entend M. Ferrier, nous apparaît comme la seule théorie métaphysique qui puisse s’accorder avec les progrès de l’esprit humain dans toutes ses recherches, et la seule qui n’ait à redouter, dans les hauteurs où elle se maintient, aucune atteinte. Son plus grand défaut peut-être est sa simplicité même, et, l’on pourrait dire, son évidence. Nous sommes habitués à plus de difficultés et d’obscurités en philosophie, et une explication des choses nous inspire quelque méfiance quand elle est trop naturelle et au fond trop conforme au sens commun. Nous aimons les mystères ; nous aimons à croire que nous comprenons même l’incompréhensible ; nous tenons surtout au mérite de paraître comprendre ce qui est le plus difficile à comprendre, et beaucoup de systèmes assurément n’ont dû leur fortune qu’à leur étrangeté même. C’est cependant une preuve de vérité, que la clarté et la simplicité. Les Institutions de métaphysique ont ces qualités au plus haut degré ; il est malaisé ; toutefois, de s’en rendre compte si l’on n’a pu d’abord faire table rase de toutes les explications embrouillées, de tous les préjugés que l’éducation a entassés pêle-mêle dans notre esprit. Or, c’est une rude tâche de désapprendre en certaines matières ! Le langage même contribue à la rendre presque impossible.

On peut du moins se faire peu à peu à de nouvelles pensées, se