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ÉTUDES DE PHILOSOPHIE INDIENNE


LE SYSTÈME VEDÂNTA[1]


II. Les Autorités et les preuves.

I. La Brihad-Âranyaka et la Chândogya Upanishads.

Un trait distinctif de l’Upanishad que l’on considère généralement comme la plus ancienne, la Brihad-Âranyaka, c’est que les théories qui y sont exposées ne s’appuient pas, comme dans la plupart des documents postérieurs du même genre, sur une révélation divine. Elle contient bien trois listes de maîtres remontant jusqu’à Brahma, et qui semblent impliquer chez leur auteur l’intention de suggérer l’idée que les enseignements de l’Upanishad s’étaient transmis de précepteur à disciple à partir de l’être unique sous sa première manifestation anthropomorphe, c’est-à-dire sous la forme de Prajâpati ou du créateur ; mais ces listes sont probablement d’une date moins reculée que le reste de l’ouvrage, auquel elles n’auront été ajoutées qu’à une époque de discussion où l’on a senti le besoin d’en fonder l’autorité sur une base inébranlable. Toujours est-il qu’on ne rencontre nulle part ailleurs dans cette Upanishad de tentatives pour en rattacher les doctrines à une tradition régulière d’origine divine ; comme nous le verrons, au contraire, les autorités invoquées ne sortent jamais du cadre des anciens sages appartenant comme Yâjnavalkya, Uddâlaka Aruni, le roi Janaka, etc., à une période demi-légendaire, demi-historique, qui peut correspondre aux cinq siècles antérieurs à l’expédition d’Alexandre. Les auteurs de la Brihad-Âranyaka-Upanishad nous laissent donc l’impression de penseurs très-naïfs, très-sincères et assez peu mystiques, cherchant la vérité de bonne foi, plutôt pour eux-mêmes que pour autrui, et ne faisant point intervenir d’autorité surnaturelle à l’appui de leurs spéculations.

  1. Voir la Revue philosophique du 1er  juin 1876.