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Paul REGNAUD. — ÉTUDES DE PHILOSOPHIE INDIENNE

notion des deux (formes de Brahma ; sa forme sensible et sa forme idéale). La vraie notion (de Brahma) se présente à celui qui l’a conçu en disant, « il est[1]. »

Cependant, les propagateurs de la science suprême enseignée dans les Upanishads ne devaient pas se préoccuper seulement de fonder l’autorité de la doctrine ; ils avaient aussi à en maintenir l’intégrité et à en assurer la transmission. C’est un souci qu’ils n*ont pas négligé, comme l’attestent les prescriptions suivantes destinées à garantir la perpétuité de la tradition orthodoxe.

Mundaka-Upanishad (1. 2, 12 et 13).

« Le brahmane qui s’est convaincu que les mondes (c’est-à-dire le séjour dans des mondes successifs, la transmigration) sont accumulés par les œuvres (et qui en connaît l’inanité) se vouant au renoncement (consistant à penser), « rien n’est ici-bas qui ne soit le résultat de l’œuvre, » doit, afin d’obtenir cette science (celle de l’âme suprême), venir, le combustible du sacrifice à la main, trouver un précepteur versé dans la tradition sacrée et plongé dans Brahma.

« Ce sage enseigne (à son disciple), qui l’approche avec un esprit calme et apaisé, cette science réelle de Brahma[2]… »

Katha-Upanishad (1. 2. 7-9). « Beaucoup ne sauraient l’entendre (comprendre Brahma) et beaucoup de ceux mêmes qui l’entendent (définir par leurs précepteurs) ne le connaissent pas. Il est extraordinaire de voir quelqu’un qui l’ait bien conçu tout en le définissant ; il est extraordinaire de voir quelqu’un qui le connaisse après avoir reçu les enseignements d’un maître habile.

« Il n’est pas facile à connaître quand il est enseigné par un homme inférieur, car il est l’objet de diverses conceptions ; mais quand il est enseigné (par un maître habile. Com.) avec ses caractères distinctifs, ce résultat n’est pas possible (on le connaît aisément).

« Cette théorie (la science de Brahma) ne doit pas être formée par le raisonnement, mais pour la bien connaître, il faut qu’elle soit enseignée par un autre (un maître en possession de la tradition, d’après le commentaire)[3] ».

Ces textes montrent que des maîtres se réservaient dès lors avec

  1. Naiva vâcâ na manasâ prâptum çakyo na cakshushâ, astîti bruvato’ nyatra katham tad upalabhyate. Astîty evopalabdhavyas tattvabhâvena cobhayoh, astîty evopalabdhasya tattvabhâvah prasîdati.
  2. Parîkshya lokân karmacitân bràhmano nirvedam âyan nâsty akrtah krtena, tadvijñiânârtham sa gurum evâbhigacchet samitpânih çrotriyam brahmanishtham. Tasmai sa vidvân upasannâya samyak praçântacittàya çamànvitâya… provâca tâm tattvato brahmavidyâm.
  3. Çravanâyâpi bahubhir yo na labhyah çrnvanto’ pi bahavo yam na vidyuh, âçcaryo vaktâ kuçalo’ sya labdhâçcaryo jñàtâ kucalânuçishtah. Na narenâva-