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nent à concorder avec elles, la confiance dans ces principes en reçoit un accroissement notable ; et, à mesure que les vérifications se multiplient, elle augmente de plus en plus, et elle finit par atteindre un degré qui la met sur la même ligne, ou à peu près, que la certitude de notre propre existence.

Les principes sont donc loin d’être des vérités évidentes par elles-mêmes. Au contraire, ils s’annoncent dès le début comme des vérités obscures, incertaines, demandant réflexion. À part quelques hommes de génie et des esprits aventureux, tout le monde les repousse. Ils finissent cependant par s’implanter dans la science, non sans avoir eu quelquefois leurs martyrs ; ils se font accepter par un nombre de plus en plus considérable de penseurs ; puis enfin, débarrassés des nuages qui les cachaient aux regards de tous, ils éclairent de leurs rayons les vastes champs de la science humaine.

Quelle histoire que celle de l’astronomie ! Qui le premier osa soutenir que la Terre était ronde, admettre l’existence des antipodes, et de pays où les objets tombaient de bas en haut ? Quelle n’est pas, au vie siècle, l’indignation de l’Égyptien Cosmas à l’idée qu’on pouvait, en acceptant de pareilles aberrations, révoquer en doute les vérités démontrées par l’Écriture sainte ! Et, mille ans plus tard, quel étonnement, que de doutes d’un côté, que d’indignation, que de fureurs de l’autre, quand Copernic enleva à la Terre la place que l’homme lui avait attribuée au centre du monde, et en fit un humble satellite du soleil ! Et cependant cette proposition si hardie, qui choquait si fort le bon sens, qui fit commettre à l’inquisition tant de crimes, qui figure parmi les causes qui firent monter Giordano Bruno sur le bûcher, et que Galilée dut rétracter comme une erreur[1], les siècles suivants en ont fourni des preuves de plus en plus concluantes, et c’est de nos jours seulement que, grâce à la perfection des instruments d’astronomie, on a pu voir, en petit, dans les profondeurs des cieux la route que la Terre parcourt autour du Soleil !

Puis vint Kepler qui trouva les fameuses lois qui ont immortalisé son nom. C’est sur elles que Newton se base pour énoncer son hypo-

  1. Copernic, dans la préface de son célèbre ouvrage sur la Révolution des corps célestes (1543), prévoit qu’il sera, à cause de la nouveauté et de l’absurdité apparente, un objet de risée. La congrégation de l’Index a condamné (1616) ce livre comme hérétique, et, jusqu’à présent, le décret n’a pas été rapporté. Bien mieux, à l’occasion du projet d’élever une statue à Giordano Bruno sur le lieu même de son supplice (1600), la Revue des universités catholiques (mai 1876) dit de lui que ce fut un malfaiteur vulgaire, puni selon ses mérites d’après les lois justes de ce temps. Et pour elle, sans doute, son bourreau, le grand inquisiteur Santorio, fut un saint homme.