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delbœuf. — logique algorithmique.

autre voie la légitimité des axiomes et des règles jusqu’ici énoncés pour former des raisonnements exacts, qu’il aurait encore sa raison d’être. Mais une circonstance spéciale lui donne tout au moins un intérêt de curiosité assez puissant. Les règles que la logique formule pour bien définir, juger et raisonner, ont été, chose étrange dans une science à pareilles prétentions, obtenues empiriquement, c’est-à-dire la plupart du temps sans ordre et sans méthode ; et, chose plus étrange encore, et, à coup sûr, inattendue, certaines d’entre elles sont inexactes et incomplètes. Et cependant voilà plus de deux mille ans que les règles d’Aristote sont reproduites comme des vérités indiscutables.

Or, s’il en est ainsi, si seulement même en lisant cette affirmation de notre part, la foi du lecteur dans les principes de la logique, du raisonnement, de la pensée, se trouve ébranlée, ne fût-ce qu’un instant, qu’est-ce donc que l’apodicticité et l’apriorité des prétendues vérités primordiales, rationnelles, innées dans notre intelligence ? Ce doute d’un. instant, ce doute pour le moment tout spéculatif, puisqu’il n’est encore fondé sur aucune raison, n’établit-il pas victorieusement à lui seul que toute certitude scientifique repose sur l’expérience, et n’est jamais que provisoire ?

VI. — Les postulats de la pensée.

La logique inductive ne rentre pas dans notre cadre, mais notre sujet exige que nous exposions brièvement le problème de la logique générale : La vérité est-elle possible ?

Le signe, avons-nous dit, correspond à une idée précise ; et une idée précise est celle qui est adéquate à l’objet qu’elle représente, celle qui n’est ni plus étroite ni plus large ; c’est, en un mot, cet objet en tant que pensé. Comment une idée, chose en soi si différente d’un objet, en peut-elle être cependant l’image, la représentation exacte ? Voilà une première question.

L’objet de la science est obtenu par abstraction. L’abstraction est-elle une opération légitime ? voilà une seconde question.

Enfin la science consiste dans l’exposé systématique des idées que nous avons sur les choses qui en font l’objet. Nos idées sont exposées systématiquement lorsqu’elles sont reliées par ordre de prémisses à conséquences. La science symbolisée est un ensemble de formules et de résultats enchaînés par ordre de substitution. Comment l’enchaînement des idées correspond-il à l’enchaînement