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III. — L’objectivité de la science résulte de l’accord de toutes ses parties entre elles.

Ainsi donc, pour en revenir à la question qui a été examinée plus haut, la certitude des mathématiques, la croyance en leur objectivité provient de ce que les propositions théoriques sont toujours d’accord entre elles sans jamais révéler de contradiction, et d’accord aussi avec l’expérience quand on les fait entrer dans le domaine des faits.

L’homme croit donc, en vertu d’une loi nécessaire de sa raison, que la vérité est possible, que la pensée peut être en harmonie avec la réalité. Or, pour qu’un pareil accord se réalise, il faut que l’on puisse passer ; 1° de l’idéal au réel ; 2° de l ! identité idéale à l’identité réelle ; et enfin, 3° de la connexion idéale à la connexion réelle. Tels sont les principes nécessaires, inévitables de toute pensée, et, par conséquent, de toute science. Pour que le savoir soit possible, il faut que l’esprit puisse : 1° conclure de l’idée des choses aux choses elles-mêmes ; 2° poser comme identiques les résultats de l’abstraction des différences ; 3° substituer l’analyse ou la synthèse logique à l’analyse ou à la synthèse réelle. Ces, principes, nous les nommons postulats ; ils sont en connexion intime et nécessaire avec l’hypothèse primitive. Hypothétiques eux-mêmes, leur démonstration, toujours incomplète, progresse au fur et à mesure de l’édification de la science.

Il est nécessaire de faire voir le lien de ces trois postulats. De tout temps on a comparé l’esprit à un miroir qui reflète l’image des choses. La figure de l’image est une fonction de la forme de l’objet et du modelé du miroir. Ces trois termes sont indissolublement unis : étant donnés deux d’entre eux, on peut déterminer le troisième. Quant à mon esprit, je ne le connais qu’imparfaitement ; et voilà pourquoi je n’ai de l’objet qu’une notion incomplète. Peu à peu, à mesure que l’homme s’instruit mieux des choses qui l’entourent, il apprend à se mieux connaître, et, par suite, la somme de son savoir sur les choses s’accroît en même temps. Mais cette influence réciproque de l’homme sur les choses et des choses sur l’homme, ce progrès continuel n’est possible que si l’homme admet provisoirement qu’il peut avoir la notion des choses, qu’il peut, à certains égards, regarder l’idée comme l’image fidèle de l’objet, qu’il est en possession d’une part de vérité, en un mot. L’image est fidèle, sans doute, en ce sens qu’elle ne peut être autre ; mais elle est déformée. Avec le temps, l’homme reconnaîtra les points défigurés, et déterminera le côté de son esprit qui a produit la déviation (redressement des prétendues erreurs des sens, etc.).