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r. lépine. — les localisations cérébrales

qu’à présent fondées que sur quelques expériences de M.Ferrier, ne sauraient être considérées comme définitives.

On peut, je crois, admettre que la couche corticale est en connection avec certains organes de la vie végétative. Laycock, Bain, Lewes, Hughlings Jackson et bien d’autres savants s’accordent à proclamer plus ou moins explicitement que « tous les viscères sont représentés dans le substratum de l’âme[1]. » À défaut de ces autorités il nous suffirait de rappeler que les passions font palpiter le cœur, qu’elles pâlissent la face ou la couvrent de rougeur. C’est ce fait de constatation vulgaire qui m’a donné l’idée de rechercher s’il y a une région de l’écorce dont l’excitation retentisse d’une manière spéciale sur le cœur et sur les vaisseaux. L’expérimentation répond d’une manière affirmative. Mais comme elle n’a pu malheureusement être poursuivie que sur le chien, nous ne saurions actuellement la localiser avec précision chez l’homme.

III

Dans son beau livre de l’Intelligence, M. Taine, traduisant les idées admises il y a quelques années sur la constitution de l’écorce cérébrale, la comparait à un polype, c’est-à-dire à une collection d’organites dont chacun est identique aux autres. On voit combien nos idées s’éloignent d’une telle conception. Non, les différents territoires de la couche cérébrale particulièrement dévolue à l’intelligence ne sont pas équivalents entre eux. Chacun a son individualité, sa constitution et ses attributions propres. Assimiler l’écorce à un polype, c’est en donner une idée non-seulement grossière, mais inexacte. S’il m’était permis à mon tour de proposer une comparaison, j’aimerais mieux dire (en admettant, avec plusieurs esprits ingénieux, que l’organisme tout entier est une République), que la couche corticale du cerveau en est le gouvernement central[2] avec toutes ses parties essentielles et ses rouages multiples ; car il ne serait pas difficile d’y retrouver à leurs places respectives, ici le pouvoir exécutif, là le législatif, et qui sait ? peut-être même ce pouvoir modérateur ou pondérateur, indispensable, dit-on, à une république bien organisée.

  1. 1. Hughlings Jackson. Clinical and physiological researches on the nervous systems. Préface, p. XIX, 1875.
  2. Nous disons central, parce que au-dessous d’elle les masses grises du cerveau (corps strié et couche optique), le mésocéphale, la moelle, les ganglions du sympathique, figurent les divers degrés de la hiérarchie administrative, depuis le gouvernement de la province jusqu’à l’humble autorité communale.