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posee, d’une solution à venir. Et ainsi le métempirique, en tant qu’il est concevable, peut toujours être ramené de proche en proche à des termes de l’expérience ou de l’intuition rationnelle {qui est une sorte d’expérience d’ordre supérieur). Un métempirique absolu ne saurait être ni pensé, ni nommé.

Au fond, si M. Lewes voit dans le témoignage de la sensation l’unique critérium de la science, c’est qu’il refuse à l’esprit toute spontanéité originelle ; c’est que le principe pensant n’est pas pour lui substantiellement distinct de l’organisme. Sa logique n’est qu’une conséquence de sa psychologie, dont nous sommes ainsi naturellement conduit à parler.

II. — Psychologie.

Le fait fondamental et irréductible de l’ordre psychologique, c’est, pour M. Lewes, la sensation (feeling). Mais quelle est la cause de ce fait, ou, pour parler plus scientifiquement, quelles en sont les conditions essentielles ? Sont-elles purement organiques, comme le prétendent les matérialistes, ou bien, comme le veulent les spiritualistes, la sensation, et, en général, les faits psychiques, sont-ils les manifestations d’un principe substantiellement distinct du corps organisé, qu’on appellera l’âme ou l’esprit ?

M. Lewes est franchement matérialiste, car il nie la légitimité scientifique de l’hypothèse qui rapporte à un principe hyper-organique l’ensemble des phénomènes de conscience. Mais son matérialisme ne doit pas être confondu avec le matérialisme vulgaire ; il présente un caractère original, sur lequel nous n’avons pas à insister longuement, car l’auteur a pris soin de le déterminer lui-même, dans un article que la Revue a publié[1].

La sensation, dans le système de M. Lewes, est la résultante de conditions organiques très-complexes, dont elle ne se distingue que par abstraction. Pour mieux dire, la sensation est ces conditions organiques elles-mêmes. Conditions d’une part, sensation de l’autre, ne sont pas des termes réellement séparés et se manifestant successivement dans la durée : c’est un seul et même fait, qui, vu objectivement, est d’ordre purement physiologique et se résout en mouvement, et vu subjectivement, est d’ordre purement psychologique et se ramène à une aperception immédiate de la conscience.

Il est clair, d’après cela, que la conscience n’est pas un pouvoir in-

  1. Voir la Revue du 1erjuin 1876.