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Alexander MAIN. — VARIÉTÉS.

thode philosophique dont la recherche des causes forme la partie saillante ; et le Positivisme, en insistant fermement sur l’absolue nécessité de la vérification à chaque pas, renferme en lui-même le meilleur frein qui puisse retenir de l’abus des hypothèses. La méthode anglaise n’encourage certainement pas le paradoxe ; mais elle est peut-être disposée à traiter tel paradoxe apparent, qui surgit dans le champ de la recherche philosophique d’aujourd’hui, avec plus de respect qu’elle n’en voudra accorder à d’anciens préjugés qui ne peuvent donner de leur existence aucune raison valable, sinon, qu’ils existent déjà depuis fort longtemps, et que (nouvelle justification) ils ont été de temps en temps favorisés par telle ou telle autorité incontestée, mais non point incontestable, comme Platon, Aristote, Kant, ou Hume.

Enfin, si la science consiste dans l’exposition fidèle des faits, suivant l’ordre dans lequel ils se produisent réellement ou peuvent se produire, si elle consiste à systématiser soigneusement nos connaissances, c’est alors à nos risques et périls que nous refusons de lui sacrifier des convictions purement personnelles, quelque puissantes qu’elles soient, et avec quelque chaleur qu’elles cherchent à se produire. Mais la vérité est que, dans la critique que l’on adresse au goût immodéré de l’Anglais pour les faits, on se borne à répéter le jugement erroné de ces personnes, nombreuses chez nous aussi bien qu’à l’étranger, pour lesquelles le Positivisme ne tiendrait nul compte des faits n’ayant point trait à ce qui peut être vu, entendu, senti, goûté, ou mangé ; quant aux faits les plus élevés du sentiment, aspirations morales, spéculations intellectuelles, vérités universelles, il les laisserait là, se tirer d’affaire comme ils le pourront. C’est parce que cette fausse opinion est fort répandue que je n’ai point cru inutile de soumettre à l’examen des lecteurs de la Revue Philosophique ces quelques remarques sur ce qu’on pourrait appeler « le Positivisme Anglais avancé. »


Le Positivisme, pour nous autres Anglais du moins, est simplement une méthode ; ce n’est pas un corps de doctrines. À vrai dire, ce n’est guère qu’une protestation énergique contre cette fausse et stérile métaphysique qui a si longtemps régné et compte encore des partisans : système qui, incapable de donner naissance à aucune vérité pure, a été fécond en funestes erreurs ; système qui se réduisait à une construction de mots élaborée et pénible, où les abstractions étaient personnifiées avec un zèle infatigable, les essences et les substances créées avec une généreuse ardeur ; les qualités transformées en entités réelles avec une confiance imperturbable ; et où un immense et nuageux monde d’illusions s’élevait à la place de cette existence solide que nous parvenons enfin à reconnaître dans notre univers. Mais tout en protestant de la sorte, le Positivisme n’entend pas pousser trop loin ses protestations : ce n’est pas un système de pure négation ; c’est en même temps un chaleureux appel en faveur des faits. La seule garantie qu’il demande à une doctrine qui lui est présentée, quelque extraordi-