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analyses. — kind. Celse et Origène.

sont pas plus destinés à préparer la nourriture de l’homme que celle des plantes, des arbres, des herbes et des buissons » (IV, 75). C’est là, répond Origène, le langage impie d’un épicurien. La Providence n’aurait pas pris plus de soin de l’homme que des arbres ! « Si vous dites que les arbres, les plantes, les herbes, les buissons sont faits pour les hommes, continue Celse, pourquoi dire plutôt pour les hommes que pour les animaux sauvages dénués de raison ? » (IV, 75.) Il se rappelle un vers d’Euripide, le disciple d’Anaxagore, le Philosophe du théâtre (σϰηνιϰὸς φιλόσοφος), comme on l’appelait, qui dit que le soleil et la nuit servent aux mortels : « Pourquoi à l’homme plutôt qu’aux fourmis et aux mouches ? Ces insectes aussi se reposent la nuit, ils voient et agissent pendant le jour. » (IV, 77.)

Mais c’est peu de mettre sur le même plan les hommes et les animaux ; Celse prétend bien montrer que ceux-ci ont été plus favorisés que ceux-là par la nature. « L’homme cherche sa nourriture avec peine, travail et sueur : tout croît pour les animaux sans qu’ils sèment ni qu’ils labourent. » À quoi Origène répond que c’est exprès que la Providence a créé nu et indigent le seul animal qu’elle ait doué de raison, afin qu’il exerçât ses facultés sublimes, inventât les arts et les sciences. Celse fait un pas de plus. Ces animaux, que la nature a mieux traités que nous, ne sont point faits pour l’homme : « Si l’on nous appelle rois des animaux (ἄρχοντας τῶν ζώων), parce que nous les prenons à la chasse et les mangeons, je répondrai : N’est-ce pas nous plutôt qui sommes nés pour eux, puisque eux aussi nous chassent et nous dévorent ? Contre eux nous avons besoin d’armes et de filets, de l’aide de plusieurs hommes et du secours des chiens : ils n’ont besoin que des armes que la nature leur a données pour nous vaincre (IV, 78). Vous dites que Dieu vous a donné le pouvoir de prendre et de mettre à mort les bêtes sauvages ? Il est bien vraisemblable, au contraire, qu’avant qu’il y eût des villes, des sociétés et des arts, avant l’invention des armes et des filets, c’étaient les hommes qui étaient pris et dévorés par les bêtes, et non point les bêtes par les hommes. » (IV, 79.) Origène, qui croit que le premier couple humain fut instruit par Dieu et par les anges, dit qu’il est faux qu’au commencement les hommes aient été la proie des animaux sauvages.

Tel est le résumé de la première partie d’une polémique où l’attaque et la défense laissent fort à désirer ; pourtant, quelque superficiels que fussent les arguments de Celse, Origène ne les a point réfutés. Celse cherche maintenant à montrer que les animaux ont les mêmes facultés intellectuelles que l’homme.

« Si les hommes paraissent différents des bêtes parce qu’ils habitent des villes, font des lois et mettent à leur tête des magistrats et des chefs, c’est ne rien dire, car les fourmis et les abeilles en font autant. Les abeilles, en effet, ont leur roi (ἡγεμών) qu’elles accompagnent et servent ; elles ont leurs guerres, leurs victoires, leurs massacres de vaincus ; elles ont des villes avec des faubourgs, des travaux réglés,