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analyses. — ferrari. Teoria dei periodi politici.

pense et pendant laquelle, au milieu du calme apparent, les idées fermentent, jetant çà et là des lueurs subites, prépare inévitablement une génération exaltée, avide de réformes, éprise d’idéal, ne reculant devant rien pour réaliser son rêve : mais celle-ci, à son tour, est inévitablement suivie d’une autre, animée de sentiments tout contraires, défiante, inquiète, irritable, toujours prête à secouer les fondements récemment jetés pour s’assurer de la solidité de leurs assises ; et enfin il est tout aussi nécessaire que l’épreuve faite, le vrai et le faux une fois séparés, toute résistance étant vaincue, les hommes veuillent jouir pendant toute leur vie, sans secousses, en gens positifs et qui savent ce que les essais coûtent, de l’abri restauré, des institutions consolidées, de la vérité reconnue. Mais quelle nécessité enchaîne ainsi les unes aux autres ? Une nécessité psychologique ; les chiffres trouvent ici leur commentaire, les faits, leur raison : c’est la psychologie sociale qui est l’âme de cette massive combinaison de dates.

Certes, ce livre soulève des objections. Mais M. Ferrari ne se laisse pas facilement prendre en défaut. Les abords de la position centrale sont fortifiés en quelque sorte par un certain nombre de théories partielles, destinées à repousser les premières attaques. Par exemple, si on objecte que certains hommes prolongent au-delà de trente ans leur vie active, on rencontre devant soi la théorie des deux vies, d’après laquelle si certaines individualités puissantes étendent leur influence sur deux générations, c’est en se transformant elles-mêmes et en renaissant pour ainsi dire une seconde fois comme intelligences ; si on objecte que les périodes dans les républiques ne suivent pas toujours le plan indiqué, on se heurte à la théorie des périodes renversées, faite pour éclaircir ce doute, etc., etc. D’ailleurs, ces ouvrages avancés une fois franchis, il faudrait entamer ce mur hérissé de chiffres, où tous les matériaux de l’histoire ancienne et moderne, orientale et occidentale sont savamment disposés. Enfin, arrivé au cœur de la place, la critique devrait s’attaquer à la théorie de la période, à celle de la génération, aux données psychologiques et statistiques qui en sont comme le dernier rempart. Ce n’est point là une œuvre de jeunesse : l’auteur a déjà donné, il y a longtemps, une Histoire des révolutions italiennes, une Histoire de la raison dans l’État, une Histoire de la Chine comparée a celle de l’Europe : il manie les faits et les dates avec une rare dextérité ; il ne connaît point l’hésitation ; il n’admet pas qu’on doute, alors qu’après de longues recherches, il s’est lui-même pleinement convaincu : il poursuit sa démonstration avec l’imperturbable entrain d’un professeur de mathématiques de promotion récente, épris de ses théorèmes.

Ce mode d’exposition, en pareille matière, étonne plus qu’il ne persuade. Ajoutez que ce statisticien patient, le même qui a aligné ces longues files de nombres représentant ici des générations qui commencent ou finissent, là des périodes avec leur durée, les différences entre ces durées, et les moyennes de ces différences, a l’imagination ardente et