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mais tenu à informer le monde entier qu’on l’a fait, en le publiant dans la sentence. Les juges de Galilée l’ont examiné sur l’intention ; l’histoire leur applique à son tour cet examen et trouve la leur clairement affirmée et signée de leur propre main, dans la pièce officielle qui termine le procès.

Les raisons sur lesquelles s’appuie M. Berti pour juger que Galilée n’a pas reçu la torture sont principalement l’état normal du volume 1182 des Archives secrètes du Vatican, dans lequel sont consignés les procès de Galilée, l’absence de toute mention relative à l’application réelle de la torture dans le second de ces procès, les règles ordinairement suivies par le Saint-Office à l’endroit de cette épreuve, et enfin les rapports personnels de Galilée avec le père Macolano sus-mentionné. Le volume manuscrit du procès est intact, dit en somme M. Berti ; pas une page ne manque ; l’application de la torture n’y est pas mentionnée ; si elle a eu lieu, pourquoi le notaire du Saint-Office a-t-il omis de l’enregistrer ? Sa profession l’obligeait à noter tout ce qui se passait entre le patient et les juges ; nous en avons la preuve dans d’autres procès célèbres ; il n’y a aucune raison de transformer le notaire du Saint-Office en un philosophe humanitaire de notre temps et de supposer qu’il a pu faire cette omission par des considérations et des scrupules qui n’ont pas arrêté les auteurs du décret et de la sentence. Le père Macolano, commissaire général du Saint-Office, a dû faire valoir les infirmités de Galilée et profiter de son pouvoir discrétionnaire pour soustraire l’accusé à la torture. La sentence d’ailleurs a dû être rédigée le jour qui a précédé le dernier examen de Galilée, car cet examen a eu lieu le 21 juin et la sentence a été lue dans la Congrégation des cardinaux le 22 ; autrement les cardinaux n’auraient pas eu le temps de l’approuver et de la signer. Voilà comment il se ferait, suivant l’auteur, que la sentence mentionne ce qui devait avoir lieu et qui néanmoins n’aurait pas eu lieu effectivement.

Pour M. Berti cette conclusion est une certitude ; pour nous ce n’est qu’une possibilité. En effet, si les choses se sont passées ainsi, l’auteur voudra bien nous accorder que le procès est entaché de plus d’une irrégularité grave : la première, c’est la rédaction de la sentence, avant la fin du procès ; la seconde et la plus forte, c’est de donner comme accompli ce qui ne l’aurait pas été, de parler de la torture dans la sentence comme si elle avait été réellement appliquée. Or, si des irrégularités si graves ont été commises sur un point de la procédure, pourquoi d’autres auraient-elles été impossibles sur d’autres points, surtout lorsqu’il s’agirait de l’omission d’une note dans un registre ? Malgré tout ce que les raisonnements de