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analyses. — bain. Mind and Body.

Bain. Mind and Body. — (L’Ame et le Corps[1].)

Le professeur Bain occupe parmi les philosophes une place assez distinguée pour se sentir parfaitement tranquille, en face de bon nombre d’adversaires et de critiques. Mais, lors même que cette position serait plus sûre qu’elle ne l’est, il serait encore vrai que la philosophie est plus grande que les plus grands philosophes, et que tout progrès réalisé en ce sens se fait aux dépens de théories chères à ceux qui les ont laborieusement produites. Personne ne le sait mieux que le professeur Bain lui-même ; et la connaissance qu’il a de l’histoire de la philosophie donnera à cette assertion l’apparence d’un vrai lieu commun. Dans le petit livre dont nous devons tout à l’heure passer en revue quelques passages, il ne se lasse point de discuter les doctrines de tous les principaux philosophes, depuis Heraclite et Empédocle jusqu’à Priestley et Ferrier ; il ne trouvera donc pas mauvais que l’une des siennes soit soumise à un libre examen, dans les pages de la Revue Philosophique. La doctrine en question, pour le moment, est celle de l’union de l’âme et du corps, brièvement exposée en divers passages, et discutée tout au long dans le sixième chapitre du récent ouvrage du professeur Bain, l’Ame et le Corps.

« Tout en affirmant l’union de la manière la plus formelle, nous devons cependant la dépouiller de ce qui semble lui être invinciblement associé, l’unité de lieu. Le seul mode d’union qui ne soit pas contradictoire est celui que représente l’unité d’une succession continue dans le temps ou le fil non interrompu de la vie consciente. Nous sommes fondés à dire que le même être est alternativement sujet et objet. »

Les états purement subjectifs sont de courte durée ; ce sont de simples accès, des éclairs ; sans cesse ils se mêlent et alternent avec dès états où se manifeste l’action objective ; mais, tant qu’ils durent, tant qu’ils règnent dans toute leur puissance, nous nous trouvons dans un monde différent ; le monde matériel s’efface, s’éclipse ; pour le moment, il est inaccessible à notre pensée. »

Toutes les phrases citées ici me paraissent plus paradoxales l’une que l’autre ; d’autre part, après des lectures répétées du chapitre entier, la solution tentée n’en devient que de plus en plus trouble et de plus en plus troublante. Que peut signifier, par exemple, l’unité de l’âme et du corps, non dans l’espace ? Si les deux facteurs sont inséparables (et le professeur Bain soutient qu’ils le sont), si l’on admet que l’un des facteurs réclame de l’espace (et on l’admet), l’unité résultant de la combinaison ne doit-elle pas aussi occuper de l’espace ? L’union indissoluble de deux choses, dont l’une est supposée matérielle, peut-elle un seul instant être acceptée comme autre chose qu’une unité de

  1. Ce livre a été traduit dans la Bibl. scientifique intern. Dans le présent article notre collaborateur anglais n’examine qu’un seul point : l’union de l’âme et du corps, d’après M. Bain.