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analyses. — bain. Mind and Body.

raison que l’attention est autrement absorbée. Ici encore, il me semble que le professeur Bain sépare la pensée du penseur, le sentiment de l’être sentant (divorce illégitime), qu’il personnifie l’abstraction ainsi faite, la regarde comme une existence réelle, en dehors de l’autre moitié dont elle est inséparable, et alors affirme sans danger qu’elle passe son existence seulement dans le temps. Et, comme précédemment, cela se peut fort bien ; car nous pouvons sans contradiction accorder à un néant ce que nous accordons au point mathématique : — la position, mais non la grandeur.

« Nous sommes fondés à dire, ajoute le professeur Bain, que le même être est alternativement sujet et objet. » Tout partisan logique de la doctrine de l’union inséparable de l’âme et du corps doit soutenir une proposition bien différente de celle-ci ; il doit affirmer que le même être est, à chaque moment, à la fois sujet et objet. Une union « alternative » n’est nullement une union réelle. Et qui de nous a jamais réellement conscience d’une opération aussi fugitive que celle qui est décrite ici ? Il est des moments où toute la vie consciente semble concentrée en un point d’une vie intense ; où la pensée et le sentiment se retirent dans les profondeurs intimes de l’âme ; ces moments, ces états, nous en faisons tous accidentellement l’expérience ; mais la différence qu’il y a entre ces états et notre existence commune de tous les jours n’est, après tout, que la différence entre un moi intérieur et un moi extérieur ; une différence dans la direction imprimée à la conscience primitive, et non une nouvelle conscience, délivrée des conditions de l’espace, et existant seulement dans le temps.

Comment aussi le professeur Bain entend-il concilier une proposition comme la précédente avec cette assertion, qui termine son volume : que l’âme et le corps sont « une seule substance avec deux groupes de propriétés, deux côtés, l’un physique et l’autre mental, — une unité à double face ? » Voilà sûrement l’union en question exprimée d’une manière bien différente de celle qui était proposée à plusieurs reprises dans le chap. VI. « Une unité à double face » n’équivaut point à « deux choses alternativement liées » ; « une seule substance avec deux groupes de propriétés » est bien différente d’un quelque chose inconcevable qui voltige d’état en état. Une surface courbe n’est pas d’abord convexe et ensuite concave, ou vice versa ; elle est toujours l’un et l’autre à la fois ; autrement, elle est inconcevable. Ailleurs, un être humain est défini c une masse étendue et matérielle, à laquelle est attaché le pouvoir de s’éveiller à la pensée et au sentiment, l’éloignement suprême de tout ce qui est matériel, une condition d’extase pendant la durée de laquelle le monde matériel échappe à notre vue ». En d’autres termes, un être humain est une masse étendue et matérielle à laquelle est attaché le pouvoir de cesser d’être ce qu’elle est et de devenir à tout moment un être absolument différent, les deux êtres existant comme deux hémisphères séparés. Comment concilier cette définition avec la précédente, qu’un être humain est « une seule substance avec deux côtés »