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entre deux variables quelconques pourra se représenter par une droite du plan, si l’on convient de représenter chacune des variables par l’une des deux coordonnées. De là l’expression géométrique « équation linéaire » qui s’est introduite dès longtemps en algèbre pour désigner l’équation du premier degré.

De même, dans la géométrie analytique à trois dimensions, si, pour fixer les idées, on détermine la position d’un point de l’espace par ses distances à trois plans perpendiculaires entre eux , il y aura représentation réciproque entre le plan, d’une "part, l’équation du premier degré entre trois variables, de l’autre.

Grâce aux conventions faites, des propositions purement algébriques pourront s’énoncer sous une forme géométrique et réciproquement.

Ainsi, que je dise : « Trois plans se coupent en général en un point », ou bien : « Un système de trois équations du premier degré à trois inconnues , admet en général une solution, et une seule » , j’aurai énoncé sous deux formes diverses, dans deux langues différentes, une seule et même proposition logique[1].

Remarquez que la première formule est beaucoup plus courte que la seconde; vous comprendrez comment on a pu espérer simplifier, pour certaines études, le langage algébrique en le traduisant en un langage géométrique, et comment, le nombre des variables en algèbre étant indéterminé, il a fallu, tout aussitôt, parler de n dimensions.

Je ne pourrais mieux continuer qu’en citant M. Camille Jordan[2] : « Bien que ces recherches soient purement algébriques , nous avons cru utile d’emprunter, ainsi que nos devanciers, quelques expressions à la géométrie. Ainsi nous considérons un point comme défini dans l’espace à n dimensions par les valeurs de n coordonnées... Une équation linéaire entre ces coordonnées définira un plan; k équations linéaires simultanées, un k-plan; n — 1 équations, une droite, etc. »

En résumé, la géométrie à n dimensions n’est que de l’algèbre écrite dans une nouvelle langue conventionnelle.

Cette langue n’a pas encore âge d’homme, il est difficile de prévoir son avenir. Le réel avantage des représentations géométriques effectives dans les études algébriques consiste dans ce fait que des schémas s’y prêtent à l’intuition et soutiennent l’entendement, qui n’a pas tant de prisé dans l’abstraction pure. Mais ici il n’y a plus,

  1. Inutile de dire que les cas d’exception se correspondent rigoureusement dans les deux langues.
  2. Bulletin de la Société Mathématique de France, Tome III, p. 104.