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M. DELBŒUF

ET LA THÉORIE DE LA SENSIBILITÉ


I

M. Delbœuf, professeur à l’université de Liège, est, à l’heure qu’il est, le représentant le plus distingué de la philosophie en Belgique. Dès 1860, il avait attiré l’attention par une publication très-remarquable, intitulée : Prolégomènes de la géométrie[1]. Dans les deux premiers livres de cet ouvrage, l’auteur faisait preuve de qualités philosophiques de premier ordre ; il y traitait de la méthode en général, des rapports des sciences entre elles, des caractères essentiels des mathématiques, de la théorie de l’induction et de la démonstration, avec une grande netteté de vues et une originalité incontestable. La dernière partie du livre, où il abordait les difficultés particulières de la géométrie, laissait peut-être à désirer : M. Delbœuf, après avoir soutenu que tous les postulats de la géométrie soit susceptibles de démonstration, essaie de prouver, par des démonstrations qui lui appartiennent en propre, un certain nombre de propositions qui d’ordinaire sont admises comme évidentes par elles-mêmes ; telle est par exemple la propriété de la ligne droite, d’être la plus courte entre deux points ; tel est aussi le célèbre postulatum d’Euclide. Nous devons avouer que les démonstrations proposées par M. Delbœuf ne nous paraissent pas plus satisfaisantes que la plupart des essais tentés avant lui pour résoudre les mêmes difficultés[2]. Mais, malgré ce

  1. Liège, 1860, in-8º.
  2. Les définitions que l’on donne ordinairement de la ligne droite ne sont pas, suivant M. Delbœuf, de véritables définitions, ce sont plutôt des théorèmes qui auraient besoin d’être démontrés. Nous partageons cette opinion ; mais nous ne pouvons nous contenter de la définition que l’auteur veut substituer aux anciennes. Elle nous paraît offrir les mêmes inconvénients. « La droite, nous dit-il, est toute ligne homogène, » et il cherche à expliquer qu’une circonférence n’est pas homogène. C’est ce que nous ne pouvons comprendre, et nous ne pouvons par conséquent faire reposer sur cette prétendue