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grandeur naturelle. Il en est de même des personnages de tableaux peints au plafond des monuments, bien que leurs dimensions soient parfois considérables.

Tous ces phénomènes ne peuvent, en effet, être expliqués que par l’habitude et l’inconscience. Il faut admettre, que l’idée consciente que nous avons de l’objet est différente de l’impression causée par lui sur les sens, impression qui doit rester inconsciente ; et c’est l’habitude qui a associé cette idée consciente à telle ou telle sensation inconsciente de nos organes de perception.


V


Sous le nom de sensibilité, M. Delbœuf comprend à la fois les phénomènes de sensation et les phénomènes de sentiment. Il prend soin néanmoins de les distinguer les uns des autres. Les sentiments, c’est-à-dire les états de plaisir ou de peine, accompagnent, dit-il, les sensations. « Il n’est pas toujours facile de faire la part de ce qui revient au sentiment et à la sensation, parce que le langage imparfait amène des confusions contre lesquelles on n’est pas en garde. L’homme, en effet, a d’abord imaginé des mots pour désigner ce qu’il voyait, et quand il a voulu marquer ce qu’il sentait, il a usé de métaphores. De là vient la pauvreté de son dictionnaire psychologique. Les mêmes mots lui servent à désigner des choses parfois bien différentes. Un exemple rendra notre idée saisissable. Si l’on analyse les divers emplois des mots chaud et froid on leur trouvera une grande variété de signification. Quand je dis de deux corps que l’un est plus chaud et que l’autre est plus froid, j’exprime le résultat d’une comparaison, et je fais connaître grossièrement leur température relative. Si, prenant ma propre chaleur pour terme de comparaison, je trouve qu’un corps est chaud ou qu’il est froid, j’en évalue par là d’une manière approximative la température absolue. Le cas est un peu différent, mais analogue, quand la chaleur de comparaison est censée connue ; si je dis : le four est trop chaud ou trop froid tout le monde me comprend ; cela équivaut d’une certaine façon à dire : le four a tel nombre de degrés. Dans tous ces cas, les mots chaud et froid appartiennent, si nous pouvons ainsi nous exprimer, au lexique de la sensation. Mais ils peuvent aussi faire partie du dictionnaire du sentiment. Les phrases : j’ai chaud, j’ai froid, marquent toujours que les impressions sont ou agréables ou désagréables. Si, en été, je dis de la boisson qu’elle est chaude ou