Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, II.djvu/479

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
469
dumont. — m. delbœuf et la théorie de la sensibilité.

sur une couleur qui flatte la vue, on ne peut pas dire non plus que l’équilibre normal était dérangé et que nous y revenons. Mais dans les deux cas, nous nous rapprochons du maximum de tension au point de vue de l’odeur et de la lumière, et cependant ce sont deux cas de plaisir.

M. Delbœuf présente ses deux théories tantôt combinées[1], tantôt séparées[2]. Si la combinaison était vraie, on ne pourrait plus concevoir de sensation agréable. Prenons pour exemple la sensation de chaleur et supposons que l’équilibre statique se confonde avec l’équilibre normal ; toute augmentation de chaleur sera doublement pénible, parce que l’être sensible s’éloignera de l’équilibre et en même temps se rapprochera du maximum de tension. Il en sera de même si l’équilibre naturel se trouve au-dessus de l’équilibre normal. Dans le cas enfin où l’équilibre statique sera au-dessous de l’équilibre normal, le plaisir causé par le rapprochement de l’équilibre normal sera compensé par la peine résultant de l’éloignement de l’équilibre naturel.

Pour nous, qui sommes arrivés, sur le plaisir et la douleur, à une théorie beaucoup plus simple[3], nous faisons consister le plaisir dans toute augmentation de mouvement de l’être sensible ; la peine au contraire dans toute diminution de mouvement. La sensation n’est pas la conscience de l’inégalité de mouvement entre moi et l’extérieur ; c’est la quantité de mouvement que je me trouve avoir à tel moment, par suite de l’action d’une cause quelconque, et le sentiment est la conscience du passage d’une quantité de mouvement à une autre. M. Delbœuf désignant par E l’excitation, par p l’état de l'être sensible, par p’ l’état de la force extérieure, propose cette formule : E = p’ — p et propose de substituer à la loi de Weber (s = k log E) d’après laquelle la sensation croit comme le logarithme de l’excitation, la formule s = k log p’— p. Mais nous ne pouvons admettre que p’ — p, — E. Il ne nous paraît nullement prouvé que dans l’état d’équilibre vivant, il y ait égalité de mouvement dans l’être sensible et l’objet extérieur, ni que l’on puisse considérer comme égales la différence entre deux sensations et la différence de mouvement entre les deux faits extérieurs qui leur correspondent. Nous sommes disposé à croire, d’après la loi de Weber, que pour augmenter en proportion arithmétique le mouvement dans un organe vivant, il faut augmenter en proportion géométrique le mouvement dans l’objet excitant. Dans un milieu à 40 degrés de chaleur,

  1. Théorie de la sensibilité, page 34.
  2. Théorie générale de la sensibilité, p. 44.
  3. Théorie scientifique de la sensibilité, 1 vol in-8º, 1876. Germer Baillère.