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le corps humain et surtout sa partie consciente ne se met pas à 40 degrés, et l’impression de chaleur n’arrive au cerveau qu’après avoir été considérablement affaiblie par le milieu à traverser et la résistance des mouvements vitaux. Une impression de couleur n’arrive au cerveau qu’après avoir également été transmise à travers un milieu solide doué de mouvements propres qui doit lui avoir fait perdre une grande partie de son intensité. Il est probable que dans un milieu inorganique et autre objet contigus, la loi de Weber ne serait plus vraie et que la sensation croîtrait dans la même proportion que l’excitation, ou du moins dans la proportion du mouvement communiqué. Mais dans l’organisme humain, le seul pour lequel la loi de Weber ait été vérifiée, la sensation ne peut croître qu’en proportion de ce qui reste d’augmentation de mouvement après avoir triomphé des résistances de l’organisme. On comprend que la résistance étant d’autant plus grande que l’augmentation de mouvement est plus considérable, le sensorium ne reçoive qu’une augmentation en proportion géométrique, quand dans l’objet extérieur elle était en proportion arithmétique. Nous ne pouvons donc prendre pour mesure de l’excitation la différence entre la sensation antérieure (p) et la nouvelle quantité de force dans l’objet extérieur (p′). Désignant par l’état antérieur de l’objet, par son état actuel, par la sensation antérieure, par la sensation actuelle, par E l’excitation ou pour parler plus rigoureusement l’accroissement de l’excitation, nous arriverons à cette formule  ; le sentiment de plaisir éveillé par l’augmentation de mouvement dans l’être sensible étant désigné par P, nous aurons P = s′ — s. Reste à déterminer le rapport entre E et P, entre la différence des sensations et la différence des forces ; et c’est ce qui a été fait par la théorie de Weber P = k log E ou P = k log f′ - f. Ce qui est très-important, c’est de ne jamais comparer pour déterminer E, que des quantités de mouvement extérieur, des quantités physiques, comme il est possible de le faire aujourd’hui pour le son, la chaleur, la couleur, etc., mais de ne jamais chercher la différence entre une quantité extérieure connue et une quantité vivante indéterminable dans l’état actuel de la science.

Nous devons ajouter que la loi de Weber n’est pas seulement la loi de la conscience des différences entre des sensations, mais qu’elle donne surtout la mesure du sentiment de plaisir dans ses rapports avec l’excitation. M. Delbœuf qui insiste avec tant de raison sur la distinction de la sensation et du sentiment, aurait du faire ressortir ce double point de vue.

M. Delbœuf ne nous paraît pas avoir été beaucoup plus heureux dans un autre perfectionnement qu’il a voulu apporter à la loi de