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j. soury. — histoire du matérialisme

inerte, d’une utilité aussi problématique que l’est encore la rate pour les modernes, fut élevé à la dignité de siège de l’âme et des fonctions de la sensibilité. Au siècle dernier, Soemmering trouva la science du cerveau presque au même point où l’avait laissée Galien. On connaissait aussi dans l’antiquité le rôle de la moelle ; des milliers d’années avant Magendie et Gh. Bell, on distinguait déjà les nerfs sensibles des nerfs moteurs, et Galien, au grand étonnement de ses contemporains, traitait une paralysie des doigts en agissant sur les parties de la moelle épinière où les nerfs des parties affectées ont leur origine. Voici à quelle occasion. Un individu, que Galien nomme le sophiste Pausanias, originaire de Syrie, était venu à Rome. Depuis trente jours, il avait perdu le sentiment des deux petits doigts et de la moitié du doigt du milieu de la main gauche, le mouvement étant demeuré intact. Galien l’interrogea ; il apprit qu’étant tombé de son char, le malade avait reçu un coup à la naissance du dos. Galien conjectura qu’à l’endroit où le nerf sort, après la septième vertèbre cervicale, quelque partie enflammée par suite du coup avait contracté une diathèse squirrheuse. « La portion inférieure du dernier des nerfs sortis du cou, écrit Galien, va aux petits doigts (nerf cubital) en se distribuant au derme qui les entoure et de plus à la moitié du doigt médius. Ce qui semblait le plus étonnant aux médecins, c’est que la moitié du médius paraissait affectée. Ce fait même me confirma dans l’idée que cette partie-là seule du nerf avait souffert, qui, se détachant du tronc à l’avant-bras, aboutit aux doigts indiqués. Faisant donc enlever le médicament appliqué sur ses doigts, je le déposai précisément à cette partie de l’épine où se trouvait l’origine des nerfs affectés. Et ainsi il arriva — chose qui sembla étonnante et extraordinaire à ceux qui la virent — que les doigts de la main furent guéris par les médicaments appliqués sur le rachis[1]. » Si vous connaissez le siège de la lésion anatomique, enseignait ce grand médecin, « vous ne tourmenterez plus les membres paralysés en négligeant le rachis, mais c’est en vous occupant de celui-ci que vous guérirez le lieu affecté. » Dans l’observation que nous venons de rapporter, Galien témoigne que « la faculté sensitive ne découlait plus dans les doigts, l’origine du nerf étant lésée à sa sortie de la moelle. » La « dissection » lui avait aussi appris que, « dans toutes les parties de l’animal inférieures au cou qui sont mues volontairement, les nerfs moteurs tirent leur origine de la moelle dite dorsale (τὰ ϰινητιϰὰ νεῦρα τὴν ἔϰρυσιν ἔχειν ἐϰ τοῦ ϰαλουμένου νωτιαίου). Les

  1. Cf. Galien, Des lieux affectés, I, vi. Cf. III, ii, iii, xiv. IV, v. Opéra, éd. G. C. Kühn (Lipsiæ), 1824), et la, trad. de ses Œuvres anatomiques, physiologiques et médicales, par le Dr  Ch. Daremberg. II, 500.