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delbœuf. — logique algorithmique

doute, de signaler les conséquences possibles, ou d’indiquer rapidement et sûrement la vraie conclusion. Mais la difficulté réelle, devant laquelle on vient se buter, consiste à traduire le raisonnement en syllogismes concluants. Comment, par exemple, faire subir cette transformation à une argumentation par laquelle j’attaquerais comme irrationnel le principe d’une autorité humaine infaillible et supérieure à la raison, devant un adversaire qui prétendrait que la raison elle-même implique la croyance à une autorité infaillible ? C’est ainsi, en effet, que les croyants à l’infaillibilité procèdent et sont contraints de procéder à l’égard des incrédules. Je pourrais objecter, si je veux plaider la cause de ces derniers, que vouloir établir rationnellement l’impuissance de la raison est une contradiction manifeste ; qu’exiger de la raison que par un acte purement rationnel elle signe son abdication, c’est lui demander une chose impossible ; qu’il ne peut y avoir entente pour l’adoption d’un point de départ commun entre celui qui, pour le moment, ne croit qu’à sa raison et celui qui la regarde comme une faculté trompeuse. Tous ces enthymêmes peuvent être justes ; on sent, pour ainsi dire, d’instinct qu’ils peuvent être admis comme vrais par les uns, regardés comme faux par les autres. C’est ainsi que l’on résout par tâtonnement ou par intuition des problèmes parfois très-compliqués. Mais la formule où est-elle ? où en trouver les éléments ? Essayons toutefois de la donner.

Tout ce qui est rationnel est croyable, c’est-à-dire, s’impose à la raison (R = C - x) ; (1)

L’infaillibilité d’une personne humaine élue est, par hypothèse, une idée rationnelle (I = R - y) ; (2)

Donc l’infaillibilité est croyable (I = C - y - x = C - z) ; (3)

Or l’infaillibilité n’est pas identique avec la raison, elle lui est supérieure ; elle comprend donc autre chose que la raison, que nous désignerons par le terme de non-raison ; ou encore, l’infaillibilité et la non-raison sont des concepts entrecroisés qui ont un certain domaine de commun (I - u = R′ - v) ; (4)

Éliminant I entre (3) et (4), on en tire (79) que des choses autres que rationnelles sont croyables (R′ - v = C - z - u = C - l) ; (5)

De (5), en vertu de la proposition (30), on tire que certaines choses rationnelles sont incroyables (R - v = C′ - l) ; (6)

Si maintenant nous comparons (2) et (6), comme ces propositions donnent lieu à un syllogisme non concluant (80), on voit qu’il est possible (voir rem. 27, prop. 99) que l’infaillibilité, bien que rationnelle par hypothèse, soit comprise parmi les choses incroyables (I - v = C′ - y - t), (7)
proposition qui est en contradiction avec la proposition (3).