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L’HISTOIRE DU MATÉRIALISME[1]

suite et fin

La Renaissance des sciences et du matérialisme.

Que fallait-il pour que le matérialisme, ou tout au moins sa méthode scientifique reparût dans le monde ? L’évanouissement progressif de l’ignorance et de la barbarie du moyen âge chrétien, la fin des vaines disputes de mots, la renaissance des sciences. Du milieu du xve siècle au milieu du xviie siècle, Lange discerne quatre moments du réveil de l’esprit humain. Dans le premier, c’est la philologie qui renaît, et bien avant le xve siècle en Italie, avec Pétrarque et Boccace, mais qui n’atteint sa haute signification philosophique qu’avec Érasme. Les humanistes comme Laurent Valla forment la transition entre la renaissance des lettres et de la critique et l’ère de cette théologie nouvelle qu’ils ont tant servie sans le savoir, et d’où est sortie la Réforme. La troisième époque est celle des sciences naturelles, des immortelles découvertes de Copernic, de Kepler et de Galilée. Enfin, dans la quatrième, la philosophie règne et domine sur le monde par Bacon et par Descartes, tandis que le matérialisme proprement dit, le matérialisme de Démocrite, d’Épicure et de Lucrèce, se reprend à vivre chez Gassendi et chez Hobbes.

Le première moitié du xviie siècle recueillit les fruits de cette culture étrange, un peu touffue et exubérante, mais d’une si puissante sève. Bacon et Descartes, que l’on a si souvent appelés les pères de la philosophie moderne, tiennent à certains égards de très-près au matérialisme. C’est Démocrite que Bacon regarde comme le prince des philosophes, et non ces maîtres sophistes qui ont nom Platon et Aristote. Si la lignée spirituelle de Descartes va de Spinoza, de Leibnitz, de Kant et de Fichte à Schelling et à Hegel, celle de Bacon, avec Hobbes et Locke, se continue au xviiie siècle par les matérialistes français et ne paraît pas encore près de s’éteindre dans l’Europe contemporaine. En fait, c’est un pur hasard si le nom de

  1. Voir la Revue philosophique du 1er  novembre.