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REVUE PHILOSOPHIQUE

possédait La Mettrie en anatomie, en physiologie et en médecine, et qui estime que la philosophie de l’Histoire naturelle de l’âme et de l’Homme machine est celle qui se professe tous les jours dans les universités allemandes sous le nom de monisme, Du Bois-Reymond a dit que La Mettrie avait sur la génération des vues, à tout prendre, fort raisonnables. La Mettrie avait tenté, lui aussi, d’écrire une histoire de la création où l’on eût vu que la mer et la terre ont produit des êtres de plus en plus parfaits. Le règne organique était pour lui un tout dont les parties étaient sorties les unes des autres en vertu d’un pur mécanisme. Voilà pourquoi, après avoir un peu médit de Descartes dans l’Histoire de l’âme, il fait une « authentique réparation à ce grand homme » dans l’Homme machine. Descartes a connu la nature animale ; il a démontré le premier que les animaux, et partant l’homme, étaient de pures machines. Grand aveu ! s’écrie La Mettrie, qui s’est persuadé que, quoi que Descartes ait « chanté » sur la distinction des deux substances, ce n’était qu’un tour d’adresse « pour faire avaler aux théologiens un poison caché. » Du fait qu’il n’y a dans l’univers qu’une substance diversement modifiée, il suit que la machine humaine ne diffère pas plus essentiellement de celle du singe que de tout autre organisme : « L’homme est au singe, aux animaux les plus spirituels, ce que le pendule planétaire de Huyghens est à une montre de Julien le Roi, » ou ce que le flûteur de Vaucanson est à son canard. « Le corps n’est qu’une horloge dont le nouveau chyle est l’horloger, » a dit encore La Mettrie. Il est inutile de rechercher ce que devient dans ce système l’hypothèse que l’on considère comme le plus sûr fondement de la morale, la liberté, le libre arbitre. Ces questions d’école n’étaient point faites pour arrêter un médecin instruit. La Mettrie admirait fort qu’on fît tant de bruit sur le prétendu empire de la volonté, car, « pour un ordre qu’elle donne, elle subit cent fois le joug. » Encore faudrait-il reconnaître qu’elle ne donne jamais d’ordre, comme l’ont démontré les belles recherches anatomiques de Luys et comme l’admet Vulpian.

Sur l’existence d’un être suprême, La Mettrie, fidèle aux traditions de l’école matérialiste, inchne volontiers à croire que « le plus grand degré de probabilité » est pour cette hypothèse. Ce n’est pas la loi. morale qui prouve l’existence de Dieu, car si la religion ne suppose pas l’exacte probité, l’athéisme ne l’exclut pas. La présence de l’homme sur la terre n’est pas plus favorable à cette supposition : La Mettrie compare l’apparition de l’espèce humaine sur cette planète « à ces champignons qui paraissent d’un jour à l’autre, ou à ces fleurs qui bordent les fossés et couvrent les murailles. » Diderot avait dit que, loin qu’il soit besoin du poids de l’univers, il suffit de