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ribot.psychologie de herbart

que la tâche de la psychologie consistera à établir une statique et une mécanique de l’esprit[1].

Ici nous entrons dans le cœur même de la psychologie de Herbart. Tout ce qui précède n’en était que le préambule. Les principes (ou plutôt les hypothèses), qui en sont la base et qui jouent un rôle analogue aux définitions en mathématiques, sont les suivants :

Les représentations (ou états de conscience) deviennent des forces quand elles sont en opposition réciproque.

Les représentations, par suite de cet antagonisme, perdent un quantum de leur intensité. C’est ce qui s’appelle dans la langue de Herbart, l’arrêt (Hemmung) de la représentation.

Nulle représentation ne pouvant être anéantie, l’arrêt, partiel ou total, n’a d’autre effet sur elle que de diminuer sa tension, et de la faire passer de l’état de représentation réelle à l’état de tendance à la représentation (strehen vorzustellen). [C’est ce phénomène qui, dans la langue ordinaire, s’appelle le passage du conscient à l’inconscient].

Deux représentations sont en équilibre, lorsque chacune des deux suffit à arrêter l’autre. Chaque représentation est alors à l’état de tendance ; elle est obscurcie. (Verdunkelung.)

Dès que la représentation s’éloigne de ce point « d’obscurcissement » il se produit ce que Herbart appelle par métaphore un mouvement.

Le calcul de cet équilibre et de ce mouvement des représentations fait l’objet de la statique et de la mécanique de l’esprit.

Telles sont les propositions principales de la psychologie empirique de Herbart. Avant d’aborder les détails, il nous faut insister quelque peu sur le principe qui sert d’appui à tout le reste : l’antagonisme des représentations. Herbart, qui procède en mathématicien, fait remarquer que cette hypothèse doit être prise d’abord dans son sens le plus simple. « Il ne s’agit pas de représentations complexes désignant des objets concrets avec leurs déterminations dans le temps et l’es-

  1. Il faut bien remarquer que Herbart dit expressément que les états de conscience ne sont pas des forces, mais ne le deviennent que par suite des rapports qui s’établissent entre elles ; tout comme l’âme, ainsi que nous l’avons dit, ne devient consciente que par accident. « Le sujet représentant est une substance simple appelée avec raison âme. Les représentations sont produites par les conditions extérieures et sont déterminées, quant à leur qualité, tant par ces conditions que par la nature de l’âme elle-même. L’âme n’est donc pas originairement une force représentante (consciente) ; mais elle le devient par le fait de certaines circonstances. En outre, les représentations prises en elles-mêmes ne sont pas des forces, mais elles le deviennent par suite de leur opposition réciproque. » Psychologie als Wissenschaft, page 31.