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seulement de montrer comment à l’aide de la « loi de reproduction, » Herbart croit pouvoir expliquer la formation des idées générales et en particulier la notion d’espace.

Par suite de cette lutte pour l’existence qui existe entre elles, chaque représentation n’occupe la conscience que pendant un temps restreint, et se trouve changée en une simple tendance. Herbart ne nous donne pas une idée bien nette de la nature de ces tendances : on peut cependant se les représenter comme un état d’équilibre ; les forces égales et contraires s’entravent réciproquement. Mais, dès qu’une circonstance quelconque amène une diminution d’arrêt, la tendance redevient une représentation réelle ; elle atteint d’abord le « seuil de la conscience » qui forme l’horizon visible, puis monte au-dessus de l’horizon (Steigen). Ce mouvement ascendant d’une représentation entraîne celui des états analogues et ainsi se produit dans la conscience l’idée générale : elle est donc due non pas à un pouvoir spécial que l’âme exerce sur les perceptions simples, mais à une réaction mutuelle des perceptions analogues ; les différences s’obscurcissent dans la masse des perceptions et il ne reste que ce que celles-ci ont de commun.

Si nous prenons la notion d’espace, nous verrons qu’elle sort d’une succession de sensations. Nos états de conscience peuvent se juxtaposer de diverses manières, soit pour produire des combinaisons, soit pour former de simples successions. Les successions elles-mêmes sont de différentes sortes : il n’y en a qu’une seule qui nous suggère la notion d’espace, c’est la succession qui peut être renversée, c’est-à-dire dont les différents termes peuvent être parcourus indifféremment de A à Z et de Z à A. Le mouvement (d’un bras, d’un membre) considéré comme fait réel, ne joue pour Herbart qu’un rôle secondaire : il n’est l’occasion de notre idée de l’espace qu’autant qu’il produit dans la conscience une série d’états qui peut être renversée. « Durant le mouvement progressif, dit Herbart, les premières représentations s’abaissent [au-dessous du seuil] successivement et se fusionnent graduellement avec les suivantes. Mais, au moindre retour en arrière, ces représentations antérieures reviennent en masse, s’élèvent [au-dessus du seuil] à la faveur de celles qui s’y sont ajoutées et qui leur ressemblent. Il arrive ainsi que chaque représentation assigne sa place à toutes les autres ; puisqu’elle doit se poser à côté d’elles et entre elles[1]. »

La notion d’espace résulte donc pour Herbart d’une association entre des états de conscience. Toute autre donnée (sentiment d’ac-

  1. Psychologie als Wissenschaft. t. VI, p. 119-120.